La pièce de Michel-Marc Bouchard est audacieuse : Dans sa forme ; elle finit par où elle semble devoir commencer, œuvre périlleuse et maîtrisée comme en crée les poètes ; sa construction rejoint les formes musicales les plus nouvelles comme les plus classiques, dans la composition ou l’interprétation : Ligeti, Hendrix, Bach, Mozart, Rubinstein,Berio.

Dans sa langue ; par sa richesse, sa profusion, ses altérations, ses suspensions et ses silences, elle rejoint Novarina, Arno Schmitt, Guyotat, Beckett, Blanchot, Michaux.

Elle offre ainsi aux acteurs, hors des codes convenus, la liberté du corps dans le geste et la voix, par la scansion du mot, la mise en écho du verbe, la multiplication et le reflet des images.

Le décor, en aucun cas réaliste, œuvre d’une plasticienne scénographe, est inspiré des œuvres urbaines : Jean-Michel Basquiat, ou plus picturales : Francis Bacon, en utilisant des matières comme la terre, la pierre, le limon.

Il y a dans la création de la lumière aucune indication de temps : jour, heure, saison, lieu. Elle suggère et fixe par des halos, des nappes qui nimbent la scène, l’universalité de l’endroit et du propos.

La vidéo, œuvre elle aussi autonome, réalisée par un jeune vidéaste, prend place au début et à la fin du spectacle, pour conduire, accompagner et suivre le spectateur dans son parcours sensoriel et sensitif. Le vidéaste réalisera aussi un journal de répétitions, et la captation du spectacle.

Par la rencontre de ces multiples créations, nous tendons vers le point d’équilibre où toutes les forces se rassemblent et se concentrent pour que la structure tienne ; point d’énergie où l’acteur puise sa liberté et offre la part du feu au spectateur qui y trouve la sienne et prend sa part de rêve inaccessible.

Claude Crétient