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L'Amour d'un brave type

mise en scène Jean-Paul Wenzel

: « L’Amour d’un brave type » : quelques éléments d’analyse

La langue
La langue de Barker, est un mélange de trivialité et de vérités poétiques où le travail de la métaphore jouxte l'argot le plus cru, ce qui confère aux personnages une double dimension, entre légèreté et profondeur. Les spécialistes du théâtre de Barker ont beaucoup parlé de cet aspect de l'œuvre:


Chez Barker, ce nouveau langage passe par une nouvelle forme de dramaturgie et de conception du dialogue dramatique, du personnage, des règles d'exposition et de vraisemblance. Et puis il y a cette violence exclamative très propre à Barker, par laquelle le texte est réglé, comme une partition musicale, avec l'utilisation systématique des caractères gras ou des majuscules pour souligner des mots et des phrases comme pour indiquer des fortissimo. Les personnages de Barker hésitent entre la grandiloquence et l'onomatopée, les envolées rhétoriques et les obscénités les plus crues – et finalement les mélangent et les marient. Ils font voler les mots, se les jettent comme des poignées de boue, pour dégorger enfin le sale bric-à-brac des vérités… cramponnées aux bouches*


Au-delà même du langage, Barker malmène les langues de bois. Il disqualifie tous les discours figés et imposés, qu'ils soient nationalistes, socialistes, religieux ou érotiques. Il donne ainsi la mesure d'un monde où plus personne ne semble croire à sa propre parole, un monde lesté de sens, donc, et qui recherche de nouveaux codes de comportement et d'agir.



Le rapport au corps
Au cœur de cet opus barkerien, il y a le corps: sur cette terre flamande, boue faite des restes de milliers de cadavres, surgissent, improbables, deux femmes, deux corps de femmes, deux objets de désir. Comme dans sa peinture que traversent des silhouettes belles et inquiétantes, Barker poursuit ici une investigation tourmentée autour du corps dans tous ses états. Il dessine des personnages oscillant entre une émotion débordante et un cynisme salvateur, des brutes en mal d'amour qui tout en déterrant la jambe défaite d'un cadavre évoquent crûment d'autres jambes, chaudes et féminines.
Entre corps désirés et corps violentés, Barker montre à la fois la nécessité et l'impasse du désir: il ramène la sexualité à son expression la plus brutale et dénuée de sentiments, tout en indiquant le désarroi, la désillusion et la quête de tendresse qui s'y cachent.


Dans cet univers tragique et dérisoire, le corps devient aussi un objet de marchandage: Hacker, le brave type, promet à Mrs Toynbee de lui restituer les restes de son fils, la chair de sa chair, en échange de quoi elle se donnera à lui. Corps pour corps en somme. Mais il s'agit là, forcément, d'un marché de dupes…



AMM



(*) Jérome Hankins, «Pour une catastrophe du théâtre», in Alternatives théâtrales no 57

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