Lorsque j’ai su que Claude Ponti écrivait aussi des pièces de théâtre, je m'y suis plongée tel une enfant assoiffée, curieuse de dévorer une nouvelle écriture. Que se passe-t-il quand un de ses auteurs jeunesse préférés se lance dans une nouvelle forme d’écriture ? Un livre non-illustré, sans poussins, sans images foisonnantes de monstres bizarres… Une mise à nu en quelque sorte où les couleurs seraient portées par l’espace scénique. A la première lecture, on retrouve les inventions lexicales chères à l’auteur, la profusion de jeu de mots, de double sens et d'inversions dyslexiques-poétiques et notre imaginaire prend aussitôt le relai et reconstruit l’univers de Ponti. En effet cet auteur laisse des traces crayonnées indélébiles dans nos souvenirs de jeunesse. J’ai compris que monter La tente était un véritable défi : respecter à la lettre l’écriture de l’auteur mais aussi la détourner de manière habile et sauvage, rechercher l’essence "pontiesque" au-delà des lignes.

La tente traite, sans filtre, des peurs de l’enfance. Celles qui nous font, dans une recherche du dépassement, avancer sur le chemin de la vie, celles qui construisent l’adulte que nous sommes ; et Claude Ponti le sait très bien, qui use magistralement de ces frayeurs. Qui n’a pas fermé les yeux et ne s’est pas caché sous les couvertures au moindre bruit étrange ? Claude Ponti nous rappelle que les monstres existent bel et bien, sous plusieurs formes et différents visages. Il nous apprend aussi qu’un enfant peut avoir autorité, qu’il peut s’affranchir vis-à-vis de ce que représente le “gros méchant monstre”. La tente nous plonge dans la thématique de la peur du point de vue des enfants, dans sa capacité à l’affronter et la dépasser. Ces deux enfants s’amusent à se faire peur et le faisant ils grandissent car ils apprennent à dédramatiser, démanteler, amadouer et déchiffrer seuls la peur. Claude Ponti prône haut et fort la construction de sa propre individualité sans le regard prégnant de l’adulte. Je souhaitais interroger ce mouvement nécessaire, cet aller vers, qui transite entre le rire et la peur, le connu et l’inconnu, le rationnel et le débordement. Ce va-et-vient entre dedans et dehors. Et s’amuser de cet entre-deux, comme le fait si bien l’auteur dans ses livres illustrés. Il s’agit de rendre palpable, ici sur scène, l'imaginaire sans limites des enfants, qui d'un rien font tout un monde.

Neus Vila Pons