Dumas a réussi à inventer un nouveau héros positif, noble et héroïque, fine lame et chevaleresque qui reste humain dans ses faiblesses : la frénésie de D’Artagnan, comme la vanité de Porthos, l’ambivalence d’Aramis, la mélancolie et l’alcoolisme d’Athos empêchent, certes, les mousquetaires d’être des héros parfaits mais scellent leur immortelle popularité en l’appuyant sur l’Histoire de France. L'ambition d’Alexandre Dumas était à la fois de faire œuvre théâtrale mais également d’ouvrir au grand public les clés de l’Histoire… La jeunesse des Mousquetaires est en fait l’un des volets d’une trilogie sur les mousquetaires et sur cette époque de la France qui va de Louis XIII à Louis XIV.
A l’occasion de ces adaptations théâtrales de ses romans épiques, Dumas retrouve une des tendances fortes de ce théâtre romantique français, l’admiration pour Shakespeare et le gothique anglais.Si le roman centre son intrigue sur D’Artagnan et Mme de Bonacieux, la pièce, elle, donne une importance capitale à la relation entre Athos et Milady de Winter, qui symbolise évidemment la lutte entre le Bien et le Mal, archétype du théâtre romantique, incarnée ici de manière très classique par la lutte éternelle de l’homme et de la femme. Qui est le mal ?
Il me paraît particulièrement intéressant de confronter ces deux angles d’attaque notamment pour faire surgir à côté des exploits héroïques, mais un peu enfantins, des jeunes hommes mousquetaires, trois fabuleux destins de femmes, confrontées au peu de choix que leur laissait leur époque.
Il faudra naturellement adapter ce texte à la fois en le resserrant pour qu’il rentre dans le format d’un spectacle joué sur un plateau de théâtre aujourd’hui, et, à la fois, en étant plus au près de l’esprit de ce texte initiatique que de la forme un peu désuète du folklore « mousquetaire ».
Il s’agit de rendre accessible aujourd’hui l’esprit de ces aventures en utilisant également l’ironie second degré des bandes dessinées, la naïveté de la comédie musicale et les effets spéciaux des films d’héroîc fantasy.

Mais nous souhaitons aussi pouvoir présenter dans certains lieux, une version “extérieur”, qui dans une forme déambulatoire, permettrait aux spectateurs d’être totalement immergés dans l’action pendant une vraie soirée de grand spectacle incluant en plus une partie banquet et bal pour le public, avec naturellement de vrais combats et pourquoi pas, des chevaux.
La langue d’Alexandre Dumas est aussi d’une grande richesse et d’une grande exigence ; certains de ses dialogues sont de purs chefs-d’œuvre : il faut entendre le Cardinal de Richelieu donner des leçons de realpolitik à Louis XIII, ou Athos raconter sa rencontre avec celle qui n’était pas encore Milady de Winter…
A l’occasion de cette aventure "de cape et d’épée" où alternent duels, intrigues politiques, chevauchées, enlèvements, passages dramatiques et comiques, nous voulons aussi continuer à explorer ce qui a toujours fondé les créations de la compagnie : la question du vivre ensemble …
Un pour tous et tous pour un ! Quoi de plus solidaire apparemment : le mythe de l’amitié entre jeunes hommes qui, sous le double sceau de la loyauté et du courage, deviennent invincibles. La fraternité virile sacrée…
Mais alors comment la devise initiale si chaleureuse et positive peut elle être la source de tant de violences et de tant de morts ?
Comment le désir mimétique à l’œuvre en chacun (et chacune) des protagonistes principaux peut il pervertir à ce point cet élan généreux et devenir en fait le seul moteur de leurs actions ?
Vouloir ce qu’ont les autres… à tout prix, et ne désirer en fait que cela. Le vouloir tellement qu’on peut tuer pour ça : l’argent, les ferrets, le pouvoir, la gloire….
N’est ce pas ce qui guette toutes les jeunesses et tous les idéaux ?

Michel Belletante

janvier 2011