theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « La Carte d'Elaine »

La Carte d'Elaine

+ d'infos sur le texte de Inès Cassigneul
mise en scène Inès Cassigneul

: Présentation

J'ai découvert la légende d'Elaine d'Astolat adolescente, lors d'un voyage scolaire à Londres, dans un musée. Un grand tableau de J.W. Waterhouse (1888) dépeint Elaine dans un décor crépusculaire. Indolente et désespérée, assise dans sa barque en robe blanche, elle sur le point de quitter son île, de mourir. Cette tragédie m'avait fascinée. Par les lèvres entrouvertes d'Elaine, s'échappant d'un fil de peinture noire, le cri étouffé de la Passion d'Amour avait retentit en moi - cette terrible malédiction, ce mythe qui nous vient, selon l'auteur de L’amour et l’occident, Denis de Rougemont, du XIIème siècle...


Quelques années plus tard, le poster acheté au musée était toujours encadré dans ma chambre mais je portais d'autres lunettes : je méprisais le peintre. L’archétype féminin de « belle endormie » qu'incarne Elaine étaient devenu à mes yeux un crime symbolique. Pourtant, je n'oubliais pas le sentiment particulier que m'avait procuré le tableau. J'ai commencé à faire des recherches sur cette légende, puis j'ai décidé de la réinventer. Je voulais faire sortir Elaine du tableau, et broder la possibilité d'une métamorphose. Elaine n'est pas morte. Héroïne d'une odyssée allégorique et initiatique, elle poursuit à travers des souterrains infernaux une conquête amoureuse désespérée...


La question de la transmission est au cœur de ce travail. Le jeu des réécritures, des variations orales et écrites qui peut au long des siècles donner naissance à une légende, est devenu au fil de mes tentatives l'objet d'une fiction. J'ai monté la supercherie littéraire que voici : surgissant du Moyen-Age, le fantôme errant d'Elaine dit toute son histoire d'amour à une jeune fille nommée Elizabeth Brown (Angleterre, XIXème siècle) pour qu'elle la retranscrive dans son carnet plus d'un siècle plus tard, le carnet est découvert et traduit par une certaine Marianne Brown (France, 1990). Ce retour fantasmé dans le passé est un moyen de détourner la légende au moment de sa naissance. De plus, l’invention de personnages, d'un témoin et d'une traductrice, ayant vécu à des époques différentes permet d'écrire un texte où se mêlent les formes, les styles et les voix – un peu comme Victor Frankenstein construit son monstre avec des membres disparates, ou une guilde de couturières créé un patchwork à partir de chutes de tissus. Cet assemblage hétérogène permet d'incarner et de valoriser la transformation.


Il s’agit donc de subvertir un motif mythique né du patriarcat et d'offrir aux spectatrices et spectateurs une fable qui s’ancre dans notre vie contemporaine : une éducation sentimentale de la perte et de la reconstruction, portée par des jeunes filles. La carte d'Elaine est une recherche pour en découdre, pour recoudre un corps détruit, pour convoquer les mort.e.s, les êtres de papier dans un espace où le temps long des légendes rencontre le temps court du spectacle. Le théâtre est là comme un champ de possibles, un entre-monde : il permet de déjouer le sort et d'ouvrir le cadre de nos imaginaires pour déployer une fiction réparatrice.$$La fiction réparatrice, Emilie Notéris, 2017$$

Inès Cassigneul

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.