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: Questions à Thomas Quillardet

Après avoir mis en scène Le Repas de Valère Novarina, pourquoi as-tu choisi La Trilogie de la villégiature de Carlo Goldoni ?


Nous essayons de chercher de nouveaux territoires, de ne pas être sectaires ou dogmatiques, d’éviter l’entresoi et nous n’avions jamais monté de textes classiques avec la compagnie. J’avais vu pour ma part en 1996, Arlequin serviteur de deux maîtres, monté par Strehler et j’en avais un souvenir très marquant. Nous nous sommes donc plongés dans son univers et c’est La Trilogie de la villégiature qui a retenu notre attention. Le seul point commun que l’on pourrait trouver entre Novarina et Goldoni, c’est un amour inconditionnel pour le théâtre, pour ses ficelles, son illusion et la matière scénique qu’ils donnent à l’acteur.


Comment peut-on rendre compte aujourd’hui d’un texte écrit en 1761 ?


En lui faisant confiance. Goldoni est un grand auteur, très précis qui met en jeu les échecs et les doutes de notre collectivité mais aussi ses joies. Les personnages de Villégiature ont la mélancolie des clowns, et la Venise dans laquelle ils vivent est un terrain en pleine mutation économique, où la jeune génération se débat dans un carcan social qui n’est plus le sien, mais sans avoir la lucidité ou le courage pour en changer. Le lien avec notre présent est pour moi évident. Mais en même temps, nous voulons aussi assumer que ce texte a été écrit en 1761, nous ne voulons pas le moderniser à tout prix. Ce qui nous intéresse, c’est transformer en matière scénique les particularités du XVIIIe siècle. Je ne veux pas tomber dans “Goldoni : notre grand contemporain”, car ce n’est pas vrai non plus. C’est un auteur qui a écrit sa pièce il y a 250 ans et il faut que nous l’assumions, que nous transformions ce temps qui nous sépare en théâtre.


Au niveau de la mise en scène, quels vont être les partis pris pour montrer que ces questionnements existent toujours ?


Nous voulons assumer que nous montons un “classique”, ne pas biaiser. Au départ, nous avions pris l’option d’un traitement contemporain pour les costumes et la scénographie. Nous allons maintenant à rebours de cette idée. Nous voulons construire notre travail esthétique à partir du XVIIIe siècle. Ne pas tricher : il s’agit bien d’une société marquée dans un temps donné, avec des moeurs et des usages d’un siècle passé. Les parallèles sont, bien sûr, nombreux avec notre époque mais nous voulons tenter d’être subtils dans ce va-etvient. La modernité de Goldoni apparaîtra avec plus de force en costume d’époque. Nous ne voulons pas imposer notre regard sur la modernité de Goldoni : chacun y trouvera les éléments qu’il aura envie à partir d’une représentation presque documentaire de cette époque. Nous voulons “truffer” ce XVIIIe d’effets de réel, d’éléments fantastiques. Au fur et à mesure de la représentation, les codes “classiques” se distordront, nous créerons des échappées à la manière de Goldoni. Comme si c’était lui qui les avait écrites. Attention, à aucun moment le XVIIIe “truffé” ne comporte des éléments anachroniques. Les éléments qui viennent perturber les codes classiques sont de l’ordre du rêve, de la poésie, du fantastique.

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