Ces textes volontiers faits de relevés atones ou d’évidences comiquement stéréotypées s’offrent dans une arrogante simplicité. La langue y est radicalement immanente à elle-même, sans suggestion de profondeur, d’intériorité ou de sens caché.

Des effets ostensibles de répétition, de mise en bouche des segments écrits, relancent simplement la nudité mince des phrases. Moins attaché au contenu ou au message d’un texte qu’à sa puissance prosodique et à l’énergie de sa prolifération, l’oeuvre poétique de Christophe Tarkos s’apparente à un acte de déconstruction.

Dans la filiation de Gertrude Stein, de Gil J. Wolman ou de Samuel Beckett, il a travaillé sur la matière même de la langue et a imposé une voix radicale dans le paysage de la poésie française.

Tarkos a forgé le concept de « pâte-mot » (patmo) substance fluide que l’on construit, déconstruit à la manière d’une pâte à modeler. Il élabore la poésie faciale, poésie toute en surface des mots.

La Tentation d’Exister est une première approche de l’oeuvre remarquable de Christophe Tarkos qui ne commence à écrire « à plein temps » qu’à partir de 1990.

La Tentation d’exister, c’est un titre d’emprunt à un bouquin de Cioran, que je n’ai jamais réussi à lire jusqu’à son terme, mais dont j’ai beaucoup lu le titre.

Sous l’appellation K.Mazzu, des bribes, des pensées, des lambeaux de phrases consignés depuis des années dans un petit carnet, (dont les provenances et les propriétés sont plus qu’incertaines en plus d’être lointaines) viendront se placer en contre-point de la prolixité Takosienne. L’utilisation à cet effet de la langue Romani Cib, la langue Rom (Tzigane), « ma langue de coeur » est un clin d’oeil à son texte, « ma langue est poétique » et vient également à ce propos souligner en écho, l’état poétique d’un peuple qui ne réclame avant toute autre chose, que le simple accès au statut d’être humain.

Je ne cacherai pas que ses textes me hantent depuis, qu’ils m’accompagnent, et j’ai hâte de les proposer sur scène dans une forme simple et radicale sous le titre de La Tentation d’Exister, car ça me parait correspondre au plus près de ce qu’il a dû endurer et braver tout au long de sa maladie.

C’est donc cette Tentation que je vous propose de partager.

Christian Mazzuchini