Il est bientôt minuit. Dans son riche salon, le banquier Félix passe en revue ses livres de compte, en compagnie d’Elisabeth sa femme. Épouse dévouée et comptable appliquée, elle lui a permis de tripler sa fortune en quelques années. Ce soir-là pourtant, elle lui annonce brusquement son départ. La voiture l’attend en bas. Elle quitte son mari et sa fille pour échapper à l’ennui mortel d’une existence bourgeoise. Son seul désir : vivre enfin. La Révolte a longtemps été considérée comme une pièce conversationnelle et ancrée dans un univers bourgeois. Ce n’est qu’en filigrane que se dessine la fable universelle sur la fatalité et l'engagement : Elisabeth et Félix apparaissent comme des symboles d'un Monde en décomposition, d'une classe noyée dans ses contradictions. Mais ce sont surtout des personnages de chair, terriblement humains. Elisabeth ne rêve pas du Grand Soir, Félix n'est pas un affreux capitaliste. Ce sont seulement les petites bassesses et concessions quotidiennes qui, un jour, atteignent le seuil critique. Ainsi ce cri que pousse la jeune femme est un cri inarticulé et surtout sans but, une révolte déjà vide. Le spectateur assiste ici au déchirement d’une façade sociale, à l'éclatement d'un système déjà à bout de souffle. Mais ce déchirement, cet éclatement, ne sont, pour celle qui porte de sa voix le poids de ces enjeux grandioses, qu'une tentative désespérée de respirer enfin... Respiration qui ne durera que le temps d'une soirée.