theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « La Quatrième soeur »

La Quatrième soeur

mise en scène Camille Chamoux

: Intentions

Dans La Quatrième Sœur, Glowacki se moque avec un humour corrosif de la perception stéréotypée de l’Est par l’Ouest et, réciproquement, de l’Ouest par l’Est. La référence aux Trois Sœurs incite le spectateur à repenser toute une mythologie littéraire du monde slave.



Le folklore russe plein de mafieux et de vodkas, de Tchekhov et de Chagall, de babouchkas et de misère, tel que le spectateur occidental peut l’imaginer, est une représentation caduque : les billets verts, Versace et Julia Roberts ont bien franchi le rideau de fer. Ici, la mafia est internationale et la vodka ne suffit plus qu’aux généraux à la retraite. En face, l’univers occidental idéalisé et ressassé par les personnages de la pièce - l’Amérique avec ses Oscars, ses comédies romantiques, ses « américains qui ne peuvent pas mentir », toute l’iconographie du succès sur papier glacé rêvé en quadrichromie par les trois sœurs version Glowacki - fait également figure de fantasme-baudruche. L’espérance messianique de ces cendrillons modernes dopées aux mélos ne résiste pas à la réalité. Ici, rien ne se passe comme on le croit : chaque moment d’euphorie se transforme en catastrophe et inversement. Le spectateur à l’instar des personnages se voit privé de toute certitude et dépossédé du confort d’une représentation univoque du monde.



Cet esprit iconoclaste suscite à la fois rire et malaise. Le rire, ambigu car suscité par une matière tragique, fait voler en éclat les lieux communs et tient seul lieu de discours. Les relations entre les personnages empreintes d’une atmosphère souvent nostalgique et tchékhovienne et le cynisme des situations qui les confrontent à une modernité mal maîtrisée créent une tension tragi-comique perceptible tout au long de la pièce. Les extrêmes doivent ici coexister : la comédie amère et la tragédie la plus grotesque ; les marques les plus clinquantes de l’Occident et les signes immédiatement repérables d’une Russie traditionnelle. Cette juxtaposition monstrueuse d’univers opposés, tout en donnant à la pièce une forte dimension métaphorique, la transporte dans un univers nouveau gagné par l’irrationnel et le loufoque.



Le décor, mobile et évolutif, épouse la trajectoire de la pièce qui s’arrache d’une situation ancrée dans la réalité, où les personnages évoluent dans un espace uniforme et fermé, pour basculer dans un monde porté par le délire. Les repères rationnels et matériels finissent par déserter en révélant leur propre vacuité. Deux musiciens accompagnent sur scène cette fuite, jouant à l’aide d’instruments traditionnels comme les dernière notes, chaleureuses et décalées, d’un univers slave mythique et englouti.

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.