Nous imaginons notre nouvelle pièce comme une place. Le théâtre et la place ont en commun des mécanismes narratifs appartenant au présent et des invocations à une mémoire collective relevant du passé. Les interprètes et l’espace scénique sont les monuments et les personnes qui circulent sur cette place, apportant des formes, des histoires et des noms.

L’espace scénique veut se révéler en tant qu’agora afin d’élargir le concept d’espace-temps, de franchir les limites physiques de notre environnement et d’observer les tensions entre les forces régissant l’idée même de vie. Un espace circulaire peuplé de monuments et de personnes, un lieu concret qui affirme sa capacité à se penser lui-même et à se projeter dans l’avenir.

Dans cette nouvelle pièce, nous choisissons de concevoir l’avenir comme un temps inconnu et imprévisible qui se matérialisera à partir de situations inattendues.

À 17 ans à peine, le XXIe siècle est déjà en proie à des convulsions et des conflits à l’échelle mondiale. Nos jours sont bipolaires: nos façons de penser et de nous organiser sont en train de changer de manière aussi radicale qu’incontrôlable, et en même temps rien ne change. La civilisation avance à un rythme trépidant alors que la réalité est paradoxalement de plus en plus subjective, émotive et impénétrable.

La tension entre le souvenir et l’imagination, qui définit l’être humain comme unique au monde, engendre à son tour un conflit perpétuel entre le désir de dépasser les formes imparfaites de ce qui est établi, et la peur de l’inconnu, de l’inexplicable et, en définitive, de ce qui est difforme. Finalement, cette possibilité d’imaginer un avenir imprévisible devient un état de perfection rare: un lieu où les ennemis ont été défaits, un paradis qu’on ne peut atteindre qu’à l’état de mort.

El Conde de Torrefiel