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La Nuit juste avant les forêts

mise en scène Lorenzo Malaguerra

: Note de l'interprète

Un homme aborde un inconnu, un soir, au coin dʼune rue. Il lui parle de son univers, une banlieue où il pleut, où lʼon est étranger, où lʼon ne travaille plus. Il lui parle de tout, de lʼamour comme on ne peut jamais en parler, sauf à un inconnu comme celuilà, un enfant peut-être, silencieux, immobile…il lui parlera aussi de son rêve de syndicat international hostile au système : lutter contre une société malade, un monde insensé, incompréhensible…


Ce texte, écrit en 1977 mais dont les thèmes restent toujours dʼactualité, parle du constat dʼun homme qui vit dans un système rigoureux, qui connaît lʼexclusion, la misère et la discrimination raciale. Cet homme est à la fois désespéré et attachant par sa douceur et sa demande dʼamour.


Quand je vivais au Salvador, je me souviens que la majorité des habitants étaient pauvres. Et que la pauvreté côtoyait la richesse extrême. Cette fracture sociale qui se manifestait de façon si évidente était une habitude aux yeux de tous. Et le gouvernement, défendant les intérêts des privilégiés, entretenait cette situation catastrophique. Arrivé à Genève, je croyais rêver. Pas de misère au bord des rues, pas de tension dans la ville, une douce quiétude flottait sur les rives du lac. Mais, peu à peu, à la joie des premiers instants sʼest mêlé le doute: lʼexclusion est-elle vraiment absente de ce lieu enchanteur? Ou ne se manifeste-t-elle pas par des formes différentes? Poser la question cʼest y répondre. Ce que je constatais en tout cas, cʼest quʼau fur et à mesure de ma découverte de la vie genevoise, les problèmes de racisme, de pauvreté ou de tout autre type de différence existaient ici aussi. Bien sûr, ils nʼavaient pas la même acuité apparente quʼau Salvador mais leur réalité était souterraine, cachée aux yeux du passant.


La nuit juste avant les forêts nʼest pas un traité de politique sociale ou un pamphlet contre les sociétés industrialisées. Cʼest une pièce de théâtre qui décrit certaines caractéristiques du monde dans ce quʼil a de plus inavouable, dans le désespoir comme dans lʼutopie dʼun monde juste. Le monde représenté dans la pièce est à lʼimage de lʼintégrité des deux personnages: lʼun essaye de tout dire, lʼautre ne dit rien. Et pourtant, ils sont liés lʼun à lʼautre par cette force particulière que génère la solitude, quʼon peut appeler désir ou peut-être simplement la volonté dʼavoir un ami.


Dans un entretien avec Jean-Pierre Han Bernard-Marie Koltès disait : “Pour ma part, jʼai seulement envie de raconter bien, un jour, avec les mots les plus simples, la chose la plus importante que je connaisse et qui soit racontable, un désir, une émotion, un lieu, de la lumière et des bruits, nʼimporte quoi qui soit un bout de notre monde et qui appartienne à tous”. Cʼest aussi, modestement, mon envie.

Olivier Yglesias

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