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La Nuit juste avant les forêts

mise en scène Cécile Rist

: Présentation

Préambule


« La nuit. La pluie. Un homme accoste un inconnu dans la rue. Il est étranger, saoul ou dérangé, ses propos sont décousus mais l’homme s’entête, il faut qu’il se fasse comprendre… »


Koltès écrit en 1977 un texte brûlant - aujourd'hui politiquement explosif à l'heure des colères qui embrasent peu à peu la France, l'Europe et le monde. Il convoque Marx, Shakespeare et Rimbaud dans un texte fulgurant où il embrasse philosophie, économie, romanesque et politique portés à hauteur d’homme. Nous proposons au spectateur de traverser le miroir : faire l’expérience troublante de ce catalogage immédiat de la différence, qui rend l’autre « étranger », pour ensuite le saisir par surprise de cette intimité universelle : être en (-) vie.


Note d'intention de mise en scène


Quel titre ! Mystérieux et sombre, promesse de poésie, de peur et de secrets, promesse tenue mais à l’envers…


Ce titre évoque l’ombre et les arbres, or nous voici plongés sous les lumières blafardes de la nuit urbaine. La parole que contient ce texte est poétique à l’envers, parce qu’elle est brute, parce qu’elle racle, parce qu’elle est rayée. Répétitions, boucles, redites, motifs qui s’enchevêtrent et se répondent chaque fois différemment, cauchemar et délice d’apprentissage pour l’acteur. C’est une parole de contraste. C’est une parole qui se révèle comme un négatif argentique.


Ce qu’on voit d’abord c’est un de ces inconnus envahissants qui nous encombrent de leur parole avinée et dont on ne sait comment se débarrasser sans les rendre violents, le relou par excellence ; un de ces relous qui empiètent sur notre intimité, qui ne comprend pas la limite du toi et du moi, qui ne sait pas rester à sa place d’ "Autre", l’étranger par excellence ; un de ces étrangers qui nous enjôlent, qui font friser leur regard pour créer la sympathie, et profitent d’un sourire chapardé pour finalement demander quelque chose, un doigt qui va se transformer en bras, le mendiant par excellence ! Mendiant, étranger, relou ! "L’Autre" quoi ! Celui qui n’est pas moi, à qui je ne veux en aucun cas ressembler, celui dont je veux me débarrasser pour retrouver mon confort, ma tranquillité, mon existence paisible… Cet autre, cet étranger qui aujourd’hui se multiplie sur les trottoirs de nos villes, vivant parmi les rats qui prolifèrent aussi, sans abri sous la neige, sans abri sous la pluie, arpentant les rames de métro. Ces autres que nous laissons (sur)vivre ou périr à nos côtés, évitant leurs regards, retenant nos mains que nous ne savons pas comment tendre, pris que nous sommes dans nos propres systèmes, dans nos propres engrenages, révélateurs de notre civilisation malade d’hypocrisie.


Et voilà que tandis qu’il parle, tandis qu’il se répète, tandis qu’il nous envahit de sa parole débordante, c’est bien NOUS que nous rencontrons, nous avec notre cœur brisé, notre amour offert et piétiné, nous l’enfant vibrant, nous révolté par l’incohérence du monde, par le mensonge social, nous aspirant au partage, à la paix, à l’amour. Cet AUTRE c’est NOUS. C’est NOUS avec ce que nous avons de plus enfoui. Puis nous comprenons qu’il nous dépasse. Ce NOUS dont nous regardons, fascinés et effarés le reflet, c’est un NOUS entier, un NOUS intègre, un NOUS prêt à accepter les conséquences radicales de nos convictions et de nos choix, prêt à être ce fameux "changement que nous voulons voir dans le monde".


C’est un tour de maître que réussit Bernard-Marie Koltès, et plus nous plongeons avec Guillaume dans le texte plus nous sommes saisis par sa puissance. Je suis soufflée par la métamorphose qu’il me propose, et nous mettons tout en œuvre pour permettre au spectateur de traverser le miroir avec nous dans une expérience sensible et tangible. Le danseur Matthieu Gaudeau nous accompagne pour élaborer cette incorporation.


Commencer par le cliché pour accéder à l’essentiel. Proposer au spectateur l’expérience troublante de ce catalogage immédiat de la différence, qui fait l’autre, étranger, dans son altérité si reconnaissable et radicale, pour ensuite le saisir par surprise de cette chose intime : être en (-) vie.

Cécile Rist

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