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La Musica

+ d'infos sur le texte de Marguerite Duras
mise en scène Moïse Touré

: Entretien avec Moïse Touré

Interview de Moïse Touré, présentation du projet Duras, menée par Camille Rioult

Quelles sont l’origine et l’essence du projet autour de l’oeuvre de Marguerite Duras?


Le projet Duras pour 2011-2013 vient en premier lieu de la rencontre avec Odile Sankara sur La vie est un songe (d’après Les bouts de bois de Dieu de Sembène Ousmane). De sa vision de l’Afrique, ce qu’elle éprouvait. L’oeuvre de Duras devient une façon de faire entendre les questions d’une femme et d’une comédienne, Odile Sankara. Marguerite Duras fait cette jonction entre l’intime et le poétique, le politique. L’intime devient le lieu du poétique et du politique. Ensuite, je me suis souvenu de cet entretien entre Marguerite Duras et François Mitterrand sur l’Afrique. Elle dit cette phrase: «C’est grand l’Afrique, voilà le chemin». C’est Duras, c’est énigmatique et clair. Elle dit tout en quelques mots. Enfin l’oeuvre de Duras n’a pas été travaillé en Afrique. Mais il y a partout un lien entre Marguerite Duras et l’Afrique, l’Afrique de Duras, elle-même exilée: l’époque coloniale, les tirailleurs sénégalais qui ont été en Indochine, le retour en France dans les années 1950, au milieu de l’émancipation de ces peuples...


S’il y avait un autre mot pour qualifier cet « intime », quel serait-il?


Pour une comédienne, l’intime est le lieu du travail, le lieu de la quête. Comment le mettre en jeu sur la place publique? L’intime c’est la place de soi-même, de sa reconnaissance. C’est le lieu même de la création, de soi, de son imaginaire, son affect, son identité profonde, donc de la création.


Comment Odile Sankara sera-t-elle le fil conducteur de ce projet Duras?


Le projet sera un dialogue inédit entre Marguerite Duras et Odile Sankara, à travers l’oeuvre. Elle portera l’ensemble des paroles, des formes qui vont s’élaborer autour de l’oeuvre. Elle assurera une forme de médiation entre l’oeuvre et les gens. Elle portera l’oeuvre en tant que comédienne et accompagnera d’autres comédiens. Elle sera un vecteur.


Quelles sont les différentes formes de théâtre qui seront explorées?


Il y a plusieurs formes dans l’oeuvre de Marguerite Duras et je veux rendre compte de cette diversité, rendre compte des voix multiples de l’auteur: le roman, le récit, le journalisme.
La première forme est le théâtre-roman avec Un barrage contre le Pacifique. L’adaptation du roman au théâtre est à la fois une recherche de mode de représentation. Ce texte, c’est aussi une période de la vie de Marguerite Duras, l’enfance de l’art, à proprement parler. Ce sera la recherche du climat, de la langue, de la musique que le roman amène, en confrontation avec la réalité des endroits où il sera représenté, notamment par la mise en scène d’un choeur d’enfants. Mettre en scène La Musica c’est se confronter au sommet de l’art durassien. La musicalité, le demimot, l’écho, le renommé, le revisité; tout dire avec rien. Comment l’imaginaire peut se dire avec très peu de choses. Ce texte renoue avec la tragédie où le mot est vecteur du sentiment et non pas de l’action. Ensuite, une forme de théâtre-danse avec La Maladie de la Mort et Aurélia Steiner. Ce sera une réflexion sur ce qu’est l’écriture et une réflexion sur le corps. Chez Marguerite Duras, il y a une mémoire universelle qui nourrit l’écriture, ce qui lui permet de dire «Je ne suis pas seule à écrire quand j’écris». La mémoire des corps et la mémoire du corps de l’écrivain... Comment ce corps porte d’autres corps. Le corps précède l’intelligence, l’engagement, l’affect. C’est quand il n’y a plus d’action que le corps va prendre sa place, se montre dans sa réalité. Cette forme de théâtre-danse est un travail sur la recherche de l’essence d’un corps. Le lieu même de la résistance c’est le corps. Il faudra trouver en quoi le corps dans La Maladie de la Mort et dans Aurélia Steiner peut aussi être un corps d’Afrique, du Vietnam et de la France.


Quel sera justement ce dialogue entre les trois continents : l’Europe, l’Afrique et l’Asie?


Il faudra inventer le mode opératoire pour chaque continent : la rencontre d’une oeuvre, d’un public, d’un territoire, d’une population. Il faudra trouver des échos différents dans chaque pays : les Carnets retrouvés de Dang Thuy Trâm au Vietnam, le travail dans les villages en Afrique; trouver des repères pour être accessible aux gens, au plus proche de la réalité. Nous réfléchissons aussi aux modes de transmission. En Afrique, les projets seront accompagnés tout au long de leur réalisation par des acteurs témoins. Ils ne sont pas sur scène à la fin mais participent au processus de création. L’oeuvre est mise en partage avec les acteurs et les personnes qui gravitent autour de la création. Il y aura aussi la mise en place d’un choeur d’enfants. Enfin les oeuvres seront travaillées en bambara, en français et en vietnamien. Au coeur de la création, nous avons toujours la question «à qui s’adresse-t-on?».

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