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La Mouette

+ d'infos sur le texte de Anton Tchekhov traduit par Antoine Vitez

: Les promesses premières

Tchekhov compose avec La Mouette, un grand cabaret de l’existence, chaque personnage est introduit dans un duo (Macha-Medvedenko, Treplev-Sorine, Dorn-Paulina,…), puis y va de son numéro. Chacun essaie d’être aimable, de faire l’aimable, tandis qu’au plus profond de lui ahane la panique d’exister, qu’on essaie de faire taire en babillant, braillant, chantant. Comme cet enfant qui, obligé d’aller chercher quelque chose à la cave, chante de plus en plus fort pour disperser les fantômes et les peurs.
Qu’as-tu fait de ta vie ? Et des promesses premières ? La question est toujours effroyable, aussi imparable qu’un matin blême. Ici chacun y est convoqué, la fuit, la contourne, s’y fracture, s’étouffe dans l’anorexie progressive du présent, s’exaspère à attendre alors qu’il sait qu’il n’y a rien à patienter, et sort de scène en espérant que les autres « ne garderont pas un mauvais souvenir. »


Raconter La Mouette, c’est mettre en acte cette grande bataille immobile qu’est la vie, où tout est toujours déjà « trop tard ». Chacun poursuit un amour, une ambition, une chimère qui se dérobe quand il croit la tenir.
Dans La Mouette, le rêve est toujours au plus proche, prêt à emporter chaque être vers le meilleur, mais les personnages, comme de grands oiseaux incapables de voler, demeurent dans ce décor, dans ce théâtre, qui flétrit sur eux, en eux au fil des actes et des années. En bout de piste, les personnages semblent attendre une fête qui n’a pas eu lieu. Pour finir comme les silhouettes de Vuillard par s’effacer dans le motif mural.


Mettre en scène Tchekhov, c’est s'éprouver à l’humilité de Tchekhov, comme un pianiste joue les variations Goldberg. Une humilité foisonnante de ressources, de détails, de couleurs. La vérité y est tant dans les mots que dans l’infime variation météorologique, le reflet d’un lac, un courant d’air, la couleur d’un tissu.


Nous revenons donc « encore » à Tchekhov, non pour faire vibrer les cloches de Bâle de la sainte nostalgie républicaine (Ferry, Vilar, Malraux). Pas non plus pour lui notifier notre tonnage contemporain ou post-moderne, en lui brisant l’échine devant l’autel de notre talent. Mais, pour nous dépayser dans la modestie de Tchekhov. Pour parler avec ses personnages autrement d’autre chose, pour aller y rechercher du désir, en voyant les choses du monde autrement que par le prisme de notre découragement, dans une autre langue, d’autres costumes, un autre régime d’affects. S’y dépayser pour essayer d’y retrouver une avidité sensible.

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