: Haillon d’un instant
L’enfance est un royaume où l’on peut voir les dieux naître et mourir. Leurs figures se
construisent dans le brouillard de notre identité. Chaque jour y est un règne. Parfois s’y mêlent
la senteur d’un fruit, la voix d’un père, l’effigie d’un mythe, l’éraillement d’un souvenir ou la
caresse rocailleuse d’une lamentation.
Dans ce royaume, ce que l’on est se cache dans le reflet de ce que l’on croit être. Une amitié
relie le présent du monde au monde absent de nos illusions. Nous nous nourrissons de tout ce
que nous touchons, capturant les mots qui s’étalent à nos pieds et qui lorsqu’ils sont prononcés
sont des fagots que nous jetons sur le bûcher où brûlent nos peurs.
Plus tard, au règne d’un jour adulte, nous sommes les monarques défunts de ces fêtes où les
guerriers morts prenaient part au banquet et buvaient un verre de sang mélangé de terre, de sel
et de cendres.
Plus tard, au règne d’un instant sans âge, nous sommes les dépouillés assoiffés d’histoires
réduites à des mares d’eaux qui n’étanchent pas notre soif.
La Mort d’Adam est l’une des Mélopées où habite l’enfant qui me désaltère.
Je suis construit de fables et un océan me sépare de moi.
La Mort d’Adam est la deuxième Mélopée de mon Hypogée.
Une autobiographie fantasmée qui se pense pour disparaître en se mangeant elle-même.
Une fable où l’on ne sait pas trop ce qui est de l’ordre de l’imaginaire et ce qui est de l’ordre du
vécu.
Un geste libérateur qui subsume les inévitables contradictions et leur confère une identité
poétique.
La Mort d’Adam est un motif supplémentaire qui viendra enrichir cette fresque que je distribue
depuis de nombreuses années.
Je vais y raconter l’île de ma valise. L’île interdite à mes yeux.
Ce sera d’abord l’odeur de la terre mouillée qui frelote l’atmosphère. Enfant, j’avais l’habitude,
après la pluie, de courir ramasser cet humide humus. Je m’en badigeonnais le torse en
gloussant. C’était une carapace magique que cachait ma chemise. Avec elle, je pouvais affronter
la magie des autres mondes.
Je vais y raconter, surtout, au travers de la vie d’un taureau nommé Adam, le mythe d’un
basculement qui a construit une part sauvage de mon identité.
La mise en oeuvre de cette Mélopée se fera tout au long de la saison 2009-2010. Elle se
construira autour de deux étapes :
- un tournage à l’île de la Réunion construit autour des motifs d’Oedipe, de l’exil et de
l’impossible retour,
- puis des répétitions au Théâtre des Cordes à Caen où se croiseront extraits des deux films,
narration de la fable, magie de l’interprétation et mystère du théâtre.
Jean Lambert-wild
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