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La Meilleure part des hommes

mise en scène Pauline Bureau

: Note de dramaturgie

par Benoîte Bureau

Ce qui nous intéresse dans cette histoire, c’est le rapport entre le récit et la représentation : Élisabeth, le personnage féminin, raconte l’histoire du trio Will, Doum et Leibo, et de ces 25 dernières, qui est aussi, par ricochet, la sienne. La scène est l’espace de sa mémoire, où l’histoire va se déployer, alternance de moments racontés et de moments joués, souvenirs incarnés.


Il s’agit donc de jouer sur la double nature du spectacle théâtral, et sur sa double tradition, à la fois récit et représentation, spectacle qu’on donne à imaginer dans les mots du récitant, et spectacle qu’on donne à voir dans le corps des interprètes. Cette double dimension permet des jeux innombrables, interrogeant les tours de la mémoire et le processus de remémoration : Élisabeth corrige ses souvenirs en plaçant les gestes d’un personnage sur le plateau, elle commence le récit d’un épisode, dont la suite est jouée et dans laquelle elle entre, avant de l’interrompre pour la commenter, elle va et vient entre le plateau, espace des souvenirs qu’elle reconstitue et l’avant-scène, l’ici et maintenant de son récit.


Ce qu’elle raconte ainsi, c’est le temps qui est celui de sa jeunesse : elle est de la génération de ceux qui arrivent après la période héroïque des années 70, et qui regardent vivre ses acteurs, elle est celle qui dit : « on n’a rien à dire. On peut pas faire un livre. Toi, moi, ce n’est pas comme eux. On… On ne fait pas partie de la même chose. On n’a pas le même passé. Ca n’a pas de sens. » Elle endosse alors le rôle du témoin, avec tout ce que cela comporte à la fois de subjectivité et de retrait, et elle est celle qui finalement fait oeuvre de cela.
Mais ce temps de sa jeunesse est aussi celui de notre enfance et de notre adolescence, marqué profondément par le Sida. Dans la chaîne des récits, elle est pour nous ce que Doum ou Leibo sont pour elle, et c’est sur ce feuilletage de mémoires sédimentées que nous voulons travailler : comment les récits se mêlent et s’entremêlent et donnent finalement l’image d’une époque, telle que nous l’avons ressentie confusément, qui précède immédiatement la nôtre et qui, peut-être, nous permet de mieux la comprendre.

Benoîte Bureau

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