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La Loi des prodiges

mise en scène François De Brauer

: Note d'intention

par François De Brauer

« Je souhaitais depuis longtemps me confronter au seul en scène, goûter à cette liberté et à ce risque. Après plusieurs années de travail en troupe sur des œuvres de répertoire, je ressentais le besoin de retrouver mes premières intuitions de théâtre, celles qui m’avaient amenées, adolescent, à pratiquer les matchs d’improvisation. Je voulais me réapproprier ces outils qui sont aussi ceux du jeu masqué, découvert plus tard au conservatoire : le plateau nu, le mime et la composition de personnages.


Un désir d’écriture fictionnelle me poursuivait également depuis longtemps et j’ai compris, en exerçant le métier d’acteur, que chez moi la pulsion de jeu était première dans l’acte d’écriture. Alors j’ai improvisé, devant une caméra, dès qu’une idée de situation ou de personnage pointait. J’ai improvisé partout : dans mon salon, dans les chambres d’hôtel, en tournée, dans les loges et (parfois  !) dans une salle de répétition. Au fur et à mesure, je retranscrivais les improvisations qui me semblaient les plus pertinentes et les arrangeais en scènes, en me refusant, dans un premier temps, à chercher ce qu’elles pourraient raconter ensemble. Je guettais, parmi tous ces personnages, un héros dont les aventures se déploieraient sur une longue tranche de vie. Mon intention était épique, conscient qu’une épopée foisonnante serait sublimée par l’impression un peu dérisoire que suscite la solitude d’un acteur sur le plateau.


Face à l’actualité et au fil de mes improvisations, l’idée de raconter l’histoire d’un homme politique et de son insensibilité totale à l’art s’est révélée. En défendant ce postulat jusqu’a l’absurde, je restais sur le terrain du burlesque et plaçais au cœur de la pièce, le débat sur « l’utilité des artistes ». De plus, pour que la radicalité de mon héros ne soit pas trop facilement condamnable, je décidais de lui créer un adversaire aussi extrême, qui incarnerait ce qu’on peut imaginer de plus détestable chez un artiste.
Mes collaborateurs Louis Arene et Joséphine Serre ont beaucoup contribué à mûrir ces idées et m’ont accompagné dans toutes les étapes de la création.


J’avais donc une thématique et de la matière improvisée, il me fallait maintenant construire mon histoire. Petit à petit, la structure s’est affirmée autour de cinq séquences chronologiques entrecoupées d’interviews de certains personnages de la pièce, qui donnent une impression d’existence réelle au héros.


La dramaturgie de la pièce a ensuite été enrichie par l’étude de méthodes scénaristiques. Faire ce lien avec le cinéma m’est apparu nécessaire car les codes de jeu dont je m’inspirais pour improviser permettent d’entraîner le spectateur dans une multitude de décors sur une période de temps restreinte : une illusion que le cinéma, grâce à sa technique, s’est largement appropriée, laissant le théâtre naturaliste un peu démuni. Mais souvenons-nous que le théâtre élisabéthain ne s’empêchait aucun déplacement dans l’espace, il figurait le décor grâce à des dessins (un château, une forêt...) sur des planches de bois pour que les spectateurs puissent situer l’action. Cette figuration est l’essence du théâtre car, ce que le cinéma ne permet pas, c’est de laisser à chacun le loisir d’imaginer son propre château.
Le théâtre doit aujourd’hui nécessairement composer avec un très riche imaginaire cinématographique dont j’ai souhaité tirer profit, tout en usant d’artifices absolument théâtraux. Une pièce de théâtre aux allures de scénario improvisé, voilà la forme qu’a pris ce seul en scène, à moins que ce ne soit l’inverse. »

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