: Note de mise en scène
Dans La Leçon, ce n'est pas l'histoire qui est importante, ce ne sont pas des personnages
particuliers que Ionesco met en scène. La Leçon est ce qu'il a appelé un drame « pur » qui présente
une « action modèle de caractère universel ». Dans ce face à face d'une élève et d'un professeur,
c'est à la dynamique entre le pouvoir et le savoir que nous sommes confrontés. On peut bien sûr
penser à la subjectivité du savoir imposé par tout régime totalitaire mais aussi à la violence faite à
tout esprit logique dans la situation d'apprendre. Les logiques mathématiques ne sont après tout que
des systèmes auxquels l'esprit peut résister au risque d'en souffrir…
Pourtant Ionesco a écrit un drame comique, comique qui se mêle aux moments où affleurent la
tyrannie et la violence du professeur. Malgré la tyrannie de l'existence, il faut continuer ; quoi de
mieux que la dérision, que les jeux de mots plutôt que les maux pour échapper à la souffrance
existentielle et à la soustraction finale.
Le discours, absurde voire drôle, sera servi par une interprétation réaliste, quand la scénographie et
la lumière appuieront la transition vers l’horreur. Deux chaises, celles de l’élève et du professeur,
marqueront leur différence de statut, et permettront une mise en espace appuyant la prise du pouvoir
du professeur sur l’élève en faisant évoluer leurs assises respectives.
La bonne, deus ex machina, manipule les protagonistes et les pousse vers l’horreur, en contredisant
son discours apparemment sage et raisonné. Le spectateur sera alors libre de lire tantôt une critique
du système scolaire, tantôt un symbole du système dictatorial ; mais toujours une allégorie du
pouvoir que peut prendre un être humain sur un autre.
Les lumières traceront des lignes sur la scène, qui bougeront insensiblement tout au long de la
pièce, donnant le vertige, et appuyant d’abord imperceptiblement puis de plus en plus fort l’horreur
de la situation. Le viol puis la mort de l’élève sera suggéré par une simple ampoule allumée, seule
source lumineuse, se balançant de part et d’autre de la scène.
Les accessoires sembleront au début de l’ouvrage de simples accessoires scolaires : une feuille de
papier, un crayon, une gomme, mais deviendront de plus en plus absurdes en étant utilisés
sciemment à contre sens. L’image finale montrera, épinglées au mur, les cravates des quarante
élèves tuées dans la journée, image forte s’il en est, mais laissant là encore le spectateur face à sa
propre interprétation.
Samuel Sené
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