: ... et si le théâtre connaissait lui aussi cet effondrement ?
Et si cet acte de dire en public, ce qu’est le théâtre, connaissait lui aussi cet
effondrement ? Si les planches de la scène s’ouvraient sous nos pas ? Si les
fictions ne venaient plus aux lèvres aussi facilement que cela ? Si nous ne
marchions plus dans la combine ? Si nous aussi avions oublié le nom de ceux
dont l’époque ne sait plus que faire ? Et si cette pensée d’oublis et de pertes
était contagieuse ? Si notre pensée était gangrenée de l’intérieur de façon
invisible, insensible ? Que devient le théâtre qui se veut citoyen si lui aussi
perd le nom de ceux qui ont été oubliés par une époque qui ne sait plus que
faire d’eux.
Ainsi en est-il de la langue d’Anna qui sur scène suivra “Le Syndrome“.
Celle qui parle (qui pourrait être Anna Magnani) est-elle celle que nous
croyons ? Celle qui parle du terme de sa vie se demande si son être intime a
vraiment coïncidé avec son être social. Dans ce déchirement apparaît encore
un abîme, celui d’une langue qui ne colle pas au visage. Que reste-t-il des
visages quand ils ont perdu leur langue ? Que reste-t-il de la langue qui ne sait
plus d’où elle parle, à qui elle parle ?
Anna et Gramsci, de même façon disent la difficulté à dire la vérité, disent un
monde sans mémoire. Il reste alors la question de soi-même comme une pierre
qui tombe dans un trou sans fond.
Heureusement le théâtre comme un filet renvoie la pierre, l’empêche de
frapper trop fort, laisse en vie.
Car ce qui reste c’est la littérature, ce que d’autres ont dit être la vraie vie.
Charles Tordjman
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