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La Jeune-Fille et la mort


: Note d’intention

Une oeuvre indisciplinée, à voir si vous vous intéressez aux formes actuelles du spectacle vivant !


Premiers matériaux pour une théorie de la Jeune-Fille


Cette création du Bureau de l’APA a d’abord pris racine autour du recueil d’aphorismes Premiers matériaux pour une théorie de la Jeune-Fille de Tiqqun. Il ne s’agit pas d’un texte de théâtre a proprement parlé.


Tiqqun est le nom sous lequel le recueil a été publié. Tiqqun est un collectif philosophique dont chacun des membres agit de manière anonyme; on ne peut donc pas identifier clairement les auteurs de ce texte.


Les réflexions politiques de Tiqqun relèvent de l’ultra gauche et se rapproche parfois de certaines idées développées par des courants de l’anarchisme.


On peut faire un lien direct entre « le spectacle », que dénoncent les situationnistes, et la Jeune-Fille de Tiqqun. La Jeune-Fille est l’emblème de la société du spectacle, son symptôme, la racine du mal et une véritable pathologie sociale à la fois. Si nous écrivons Jeune-Fille avec un trait d’union, c’est qu’il s’agit d’un concept et non pas que de la retranscription concrète d’une fille qui serait jeune. La Jeune-Fille est sans âge et sans genre.


Trash théorie ?


Au-delà du contenu, la forme des Premiers matériaux se prête très bien au travail du Bureau de l’APA et à ses réflexions sur la complexité du monde et de ses systèmes. Tiqqun, en choisissant de mettre le doigt et les poings sur la Jeune-Fille dans un recueil d’aphorismes présentés en tant que « Premiers matériaux », est à la recherche d’alternatives à la « doctrine univoque » et laisse transpirer le processus d’élaboration de la théorie plutôt que de s’en tenir au crachat sec d’une théorie figée. Tiqqun parle de « trash théorie » pour parler des fragments, des détours, des fractions et des chemins qui bifurquent et qu’on emprunte vers la démonstration de ce qu’est la Jeune-Fille. Cette façon de faire nous fascine et est à l’image de nos idées sur la démonstration et l’échantillonnage. Le défi pour nous consiste donc, entre autres, à transposer cette théorie en oeuvre intelligible, mais sans tomber dans le piège de la narration ou du collage conventionnel. Nous ne voulons surtout pas reformater la force du brut pour le rendre digeste et disciplinaire. Nous voulons transformer le spectateur en observateur et en témoin d’une réalité placée sous une loupe, grossie parce que condensée, mais néanmoins tout à fait réelle. Nous voulons rendre sur scène la « trash théorie », sans la détourner, en faisant en sorte de démontrer par l’expérience ce qu’est la Jeune-Fille ou qui elle est.


Notre travail d’écriture et de mise en scène se situe donc dans le choix des aphorismes et dans le travail rythmique plutôt que dans la refonte d’une théorie doctrinaire, ce qui serait aller à l’encontre du travail de Tiqqun et l’aurait rendu beaucoup moins important et essentiel.


Résumé


Dans une salle de classe poussiéreuse, un professeur au regard impérieux donne une leçon imprécise. Dans les mains des spectateurs, des manuels scolaires passent en revue les aphorismes du recueil Premiers matériaux pour une théorie de la Jeune-Fille de Tiqqun. Le public est guidé dans une sorte de lecture dirigée et obligatoire du manuel à laquelle se coordonnent poésie sonore, performance, danse, quatuor à cordes, muséologie. L'intervention se déroule à la manière d'une journée d'école ponctuée par les cloches, les périodes de lecture, les devoirs, la récréation, les consignes et les règlements. Les « performeurs-écoliers » tentent l’impossible pour faire la démonstration du concept de « Jeune-Fille » mis de l’avant par Tiqqun.


Nous avons travaillé sur l’école, lieu ultime de toutes socialisations, et antre de l’apprentissage. Nous voulions explorer un univers qui, sans le dater précisément, prend des allures surannées. Il ne s’agit pas uniquement d’un lieu physique, mais bien d’un monde de secrets et de chuchotements que nous créons entre autres avec Simon Elmaleh, musicien électro-acousticien, qui a composé des oeuvres originales pour notre création et dirigé le quatuor à cordes qui soutiendra les actions scéniques. La classe qui accueillera le public sera habitée par une installation de Stéphanie Béliveau4 et des objets d’Alexandre Fatta.


Le livre


La dimension visuelle est d’autant plus forte que l’élément scénique qui supporte l’entièreté du commentaire demeure le manuel scolaire que nous avons conçu à partir de bricolages de Mélanie Drouin et de photos de Jérôme Bourque. Avoir un livre, être laissé seul dans la classe, permet au spectateur de vivre une réelle expérience de l’intimité. Le livre nous a semblé être la manière la plus judicieuse de transmettre nos considérations : le spectateur est partagé entre des moments privés et publics, la question de l’autorité est amenée (qui a le contrôle quand je lis un livre? est-ce que je dois réellement suivre les instructions?), les niveaux de présence scénique sont multiples (y a-t-il encore spectacle lorsque les acteurs n’y sont plus?). Ces moments de solitude, qui font référence à la récréation ou à l’étude, sont particulièrement saisissants pour le spectateur demeuré seul. L’utilisation d’un manuel scolaire est donc au coeur de la situation. C’est d’ailleurs ce livre qui constitue le texte du spectacle et qui témoigne le mieux de la nature de la performance qui lui fera contrepoint.


Le jeu


Notre façon de travailler le jeu, la prise de parole ou la présence scénique relève davantage de la performance que du théâtre. Nous nous intéressons au « readymade ». Dans la foulée des réflexions de Duchamp qui faisait des objets manufacturés des oeuvres d’art, nous travaillons avec des gens non-acteurs. Pour La Jeune-Fille et la mort, nous faisons intervenir des gens issus de différents milieux. En faisant porter la parole par des non-acteurs, nous avons l’intention d’approcher une certaine vérité. Pour nous, la justesse du jeu réside dans le fait que chaque prise de parole doit être incarnée. D’ailleurs, nous ne sommes pas des comédiens non plus.


La Jeune-Fille sait trop bien ce qu’elle veut dans le détail pour vouloir quoi que ce soit en général.

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