L’écriture de Blutsch témoigne d’un art indéniable du découpage et du montage, qui s’appuie sur un très sûr talent de dialoguiste. Dans la Gelée d’arbre, cela se traduit par un enchaînement rapide de scènes courtes qui s’achèvent sur des “cut”, et qui sont comme juxtaposées, allons parfois jusqu’à se télescoper. Le premier chapitre de la pièce est à ce titre exemplaire : en cinq séquences brèves qui s’enchaînent comme une succession de vignettes, les deux héros traversent cinq lieux qui les font rapidement passer du statut de quidam anonyme à celui d’assassin échappé d’un asile.

Ce sens du montage tient sans doute pour une part à l’influence du cinéma, mais aussi à celle de la bande-dessinée, deux disciplines pour lesquelles l’auteur n’a jamais dissimulé son intérêt. C’est en tout cas ce qui donne aux pièces de Blutsch ce rythme et ce ton très particulier.

D’un point de vue théâtral, il convient d’inventer les solutions scénographiques adaptées à cette pratique du montage. Il s’agira, en l’occurrence, d’inventer pour chaque scène un cadre spécifique, susceptible de s’ouvrir de se fermer rapidement (le principe est lointainement inspiré des fameux diaphragmes mis au point par Nicky Rieti pour André Engel). L’image scénique globale, elle même insérée dans un cadre, peut ainsi se découper en plusieurs cases ou fenêtres pouvant s’ouvrir successivement ou simultanément selon les cas.

Ce dispositif, qui sera en outre complété par des projections vidéo, permettra les passages rapides d’une situation à l’autre, ou encore les changements de registres de jeu qui abondent dans la pièce.