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La Gelée d'arbre

+ d'infos sur le texte de Hervé Blutsch
mise en scène Benoît Lambert

: L’autre théâtre de la catastrophe

Hervé Blutsch

Il n’est pas facile de parler sérieusement du théâtre d’Hervé Blutsch. D’abord parce que ce théâtre revendique explicitement son rattachement au genre de la comédie, ensuite parce que l’auteur lui-même, dans son jeu de brouillage permanent des identités, semble résister à toute prise sérieuse, immédiatement disqualifiée comme pédante. Du coup, la tentation est grande de ranger ses pièces au rayon des curiosités amusantes, et parfaitement inoffensives. Pourtant, à y regarder de plus près, la dramaturgie blutschienne témoigne d’une grande cohérence, tant dans les thèmes développés que dans les moyens théâtraux utilisés pour les aborder. Et ce qui est en jeu, derrière le masque plaisant de la comédie et l’humour dévastateur qui traverse les pièces, c’est bien une lecture du monde, profonde et radicale.


Le théâtre de Blutsch est au fond un théâtre du cauchemar : cauchemar burlesque, certes, mais cauchemar tout de même. Qu’il s’agisse du jeu macabre de deux employés de bureau avec le cadavre d’un de leurs collègues (Anatole Felde), de l’enfermement au zoo d’un jeune homme qui finira par tuer son propre enfant (Monsieur Paul n’est pas commun), de la cavale meurtrière de deux gagmen cannibales (La Gelée d’arbre) ou encore du lent effondrement d’un homme que sa jalousie entraîne dans la folie (Ervart ou les derniers jours de Frédéric Nietzsche), Blutsch dépeint toujours une humanité au bord de l’effondrement, il travaille toujours à l’annonce d’une catastrophe prochaine. En ce sens, son théâtre est pleinement contemporain, car il capte une expérience du désastre (intime ou sociale selon les pièces) qui ne peut que renvoyer à toutes les catastrophes en cours. Auteur revendiqué de comédies, Blutsch pourrait donc être paradoxalement rapproché d’autres dramaturgies de la catastrophe dont il paraît à première vue très éloigné.


Mais c’est précisément cet éloignement qui fait la force de son théâtre : le choix de la légèreté pour évoquer la pesanteur du monde, le choix de l’humour pour évoquer le désastre, le choix du burlesque pour traiter le tragique, tout cela contribue à produire une écriture d’une redoutable efficacité, qui se méfie comme de la peste de la dénonciation et de la plainte, et qui prend toujours le parti d’en rire. Non pas pour se moquer, d’ailleurs, non pas pour ricaner méchamment, mais pour donner à voir et à entendre notre fragile condition d’humains. Ainsi, Blutsch est un cynique, non pas au sens vulgaire qu’a pris ce mot aujourd’hui, mais au sens philosophique. Comme Diogène, avec le même humour irrépressible, il se promène en plein jour avec une lampe allumée, et il cherche un homme.

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