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La Femme comme champ de bataille

+ d'infos sur le texte de Matéi Visniec
mise en scène Jean-Luc Ollivier

: Présentation

J’ai fait une première mise en scène de ce texte en 1999 au Glob-théâtre de Bordeaux. Depuis, l’idée d’un jour explorer à nouveau cette écriture ne m’a jamais quitté. Pour la force de la fable, déjà. « La femme comme champ de bataille » est une confrontation d’une extrême tension entre deux êtres que tout, au départ, semble séparer, excepté leur condition de femme. Matéi Visniec ne se contente pas d’un plaidoyer, d’une dénonciation, il fabrique une histoire au plus près des personnages, avec une progression dramatique pleine de surprises, de ruptures, qui font de la pièce un vrai moment de théâtre.
Par plusieurs entrées, l'image des femmes, la violence faite aux femmes, l'Europe et son identité, le rôle de "l'occident", la notion de culture dans le rapport à la violence, la place des Balkans dans cette Europe (réalité et fantasmes), j'ai l'impression que nous sommes au coeur d'un faisceaux d'interrogations qui traversent aujourd'hui notre présent. C'est d'autant plus fort dans ce texte, que ces questions sont portées par deux femmes en fragilité, et que la plus en détresse se reconstruit par sa colère, certes, mais aussi par sa nature de personnage de théâtre, universel et cathartique, porteur de nos propres craintes, de nos errances et de nos espérances.
On assiste donc à la lente reconstruction de Dorra, d’abord mutique, suicidaire, et en parallèle à la déconstruction, fissure par fissure, de Kate, celle qui croyait savoir, ou du moins qui s’en donnait l’illusion. La pièce aborde bien sûr de manière frontale le thème de l’utilisation du viol comme arme de guerre, toujours d’actualité dans tous les conflits, interrogeant la place des femmes dans nos sociétés ; mais elle aborde aussi les rapports de deux mondes, l’ouest et l’est, et comment les cultures imprègnent les comportements.
Le grand-père de Kate, l’américaine, était un émigré irlandais ; cette remontée à la source est également une des thématiques du spectacle. Quand Kate vient en Europe, c’est aussi à la recherche de ses racines, en complément de ce qui nous a tous étreint durant ce conflit : une immense culpabilité face à notre impuissance. Matei Visniec évite tous les pièges. Sa pièce est âpre et violente mais jamais complaisante. La longue scène centrale où les deux femmes s’enivrent peu à peu en caricaturant tous les clichés éculés sur les peuples est une scène d’une grande force comique. Et d’une vérité grinçante.
La pièce est forcément politique mais le message, humaniste, féministe, interroge plus qu’il n’affirme (Je me souviens des discussions sans fin d’après spectacle en 99, chacun prenant position sur les choix des personnages). C’est également une pièce sentimentale, au sens fort, bouleversante même, avec le contrepoids des scènes « pédagogiques » de Kate donnant aux spectateurs les moyens d’une distance et des clés d’analyse.
Je reprends ce spectacle dans une autre scénographie, en explorant d’autres pistes. A la scénographie bifrontale de la création, je substitue un dispositif frontal. Le soldat musicien est toujours présent/absent, il est le fantôme de Dorra, sa musique vient rythmer les séquences et évoquer toutes les cultures des balkans. Derrière le mur, visible ou invisible selon la lumière, mais toujours présent, il est l’homme, le père, le guerrier. Sa musique à la fois mélancolique et gaie est le lien secret qui relie les personnages.
Je n’oublie pas non plus que cette création fut le point de départ de ma collaboration avec le théâtre de guerre de Sarajevo (SARTR) et de toute l’aventure en Bosnie-Herzégovine qui a suivi. Une façon aussi de rester fidèle.

Jean-Luc Ollivier

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