: Contexte
« La crise existe comme les monstres sous les lits des enfants. »
Crise économique. Crise de nerfs. Crise structurelle. Crise écologique. Crise de
l’adolescence. Crise systémique. Crise de la quarantaine. Crise idéologique. Crise
immobilière. Crise civilisationnelle. Crise mondiale. Bref, crise à tous les étages…
La litanie des maux qui nous assaillent sous le dénominatif commun de « crise » est si
vaste, si menaçante que, devant l’imminence de la catastrophe, notre existence semble
confinée à un paradoxal sursis. Comme le note Éric Chauvier : « À terme, nous pourrions
seulement espérer survivre, autrement dit évoluer en gardant à l’esprit que nos lieux de
vie sont devenus d’incontrôlables incendies, et nous-mêmes, des pompiers souséquipés.
» Pas un média qui n’amplifie chaque jour notre sensation d’impuissance et de
désarroi devant une réalité indistincte, dont nul ne semble à même de tirer les fils ni de
peser les conséquences. Pas un discours politique qui se départisse de la rhétorique de
l’urgence, comme si la seule perspective possible était de colmater provisoirement des
brèches. Ce qu’on valorise sous le terme de réalisme semble résigné à la seule gestion du
pire. Sécurité, retour à l’ordre, moralisation obsèdent le débat public devenu alarmiste : il
s’agit de contenir les métastases qui grouillent tous azimuts. Et, à bien des égards, le
combat paraît perdu d’avance…
La somme des crises, au niveau micro et macro-structurel, a fini par incarner le Mal absolu : La Crise. Un chef-d’oeuvre de scénario catastrophe hollywoodien. Une entité protéiforme capable d’affecter toutes les strates du réel, jouant de mécanismes aussi pervers qu’incontrôlables. Or quel super héros serait à même de combattre La Crise puisque le mal absolu cesse d’avoir un visage, un costume, une identité repérable ? À toute expression de révolte, à tout sentiment d’injustice, il est rétorqué : « c’est la crise ! », comme si ce simple constat, formulé hors de toute volonté individuelle et collective ressortait d’un fatum qu’il serait vain de vouloir contrarier, ne serait-ce qu’en pensée… Ce qu’Éric Chauvier appelle « une nuit sans fin »…
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