: Pour Handke le plateau est un laboratoire
par Carl Weber
... Dans La Chevauchée sur le Lac de Constance Handke
utilise le plateau comme un laboratoire. Les conventions,
«les poses» du théâtre sont étudiées comme des reflets de
notre attitude sociale: comment le langage et les gestes dont
nous nous servons pour communiquer sont devenues des
forces qui dominent et manipulent. Le plateau, chez Handke,
n’est pas le «miroir de la vie», cependant il indique que le
théâtre a tiré ses images et ses conventions des jeux que joue
la société, la société qui paye la note...
...Handke met en question l’idée que nous nous faisons de
notre attitude. Il démonte les éléments constitutifs de notre
attitude et dipose les fragments isolés de telle manière que
nous prenons conscience de la «fine couche de glace» des
conventions sur laquelle nous patinons. Il essaye de nous faire
voir le fait que nos moyens de communication - le langage et
les gestes - sont des facteurs qui nous manipulent, et bien
que nous pensions avec arrogance être parfaitement capables
de contrôler ces facteurs. Les conventions que le théâtre a
établies et affermies sont les modèles des clichés que nous
avons acceptés comme étant un moyen «normal» de faire
face à la réalité; Handke nous montre les clichés de théâtre
pour ce qu’ils sont en les sortant de leur contexte normal et en
les confrontant les uns aux autres d’une manière qui les rend
incompatibles...
...Malgré un enchaînement apparemment accidentel
d’événements et d’actions, la pièce de Handke est très
fortement structurée; chaque mesure a son poids précis, son
temps imparti, sa définition dans la trame compliquée de la
pièce, comme une note de musique. La structure du spectacle,
une fois créée au cours des répétitions, une précision absolue
dans l’exécution était impérative. Rien d’étonnant à ce que le
spectacle ait semblé à la plupart des acteurs plus dur et plus
épuisant que ce qu’ils avaient joué par le passé. On pouvait
penser à ce que Brecht avait appelé « la chose aisée difficile
à atteindre». Ce mélange de précision parfaite et d’abandon
enjoué suscitèrent une attitude spécifique des acteurs envers
le public. Ils n’étaient plus à même de prêter attention à
l’humeur ou à la «sympathie» des spectateurs....
Carl Weber
Extraits de son article paru dans The drama Review n°54, juin 1972 (New York)
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