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: Une Chanson de Roland

Roland, héros fondateur


Roland est un héros fondateur du monde européen, à l'instar d'Ulysse ou d'Achille pour le monde hellénique. Comme eux, il a inspiré des générations d'artistes – Boiardo, l'Arioste, Lully, Vivaldi, Victor Hugo, Klaus Kinski… Comme eux, son destin a d'abord abreuvé la poésie épique et ses premiers monuments littéraires que sont L'Iliade ou L'Odyssée pour le grec, et La Chanson de Roland pour le français. Pourtant, momifiée dans une langue absconse, claquemurée dans les manuels scolaires, parfois respectueusement déclamée pour les jeunes générations, La Chanson de Roland sent la naphtaline… C'est qu'à force de comparer les manuscrits, on en oublie l'esprit qui présidait aux chansons de geste, celui des jongleurs. Car, encore une fois comme les textes d'Homère, les épopées médiévales ont d'abord bien relevé de la culture populaire, de l'oralité, du spectacle.


Raviver la chanson de geste


Pour éviter qu'elle ne soit remisée parmi les vestiges archéologiques, il est grand temps de sortir La Chanson de Roland des bibliothèques médiévales, de convoquer à nouveau sa vitalité originelle. Or, qui mieux qu'un clown blanc pourrait renouer avec cette liberté, cette impertinence, cet humour et cette folie qui ont marqué les multiples récits consacrés au destin de Roland ?


Et on se doute que le clown blanc de Jean Lambert-wild, ce clown Gramblanc avec lequel depuis des années il explore les potentialités du geste et de la parole, possède les moyens de raviver et d'incarner à sa façon la parole vive des chansons de geste.


Une chanson, des publics


Il s'agira donc, comme c'était d'ailleurs toujours le cas au Moyen-Age, de proposer une chanson de Roland, une version nouvelle de ses aventures, portée ici par la poésie, l'élégance et la démesure d'un clown blanc.


L'adaptation de Jean Lambert-wild et Marc Goldberg puisera sans vergogne dans les sources anciennes, parmi lesquelles bien entendu La Chanson de Roland (dans une transcription moderne soucieuse de faire entendre les rythmes et les assonances de l'original), incomparable par exemple dans sa description de Roncevaux. Mais d'autres textes pourront être convoqués, comme le Roland Furieux de l'Arioste, inimitable lorsqu'il raconte comment un paladin s'en va chercher sur la lune un remède à la folie de Roland.


Cette version contemporaine ne s'interdira pas non plus de divaguer, d'interpoler, d'improviser à partir d'une matière ancienne charriée, renouvelée, détournée par les classiques. C'est la fidélité à la tradition de la chanson de geste, et qui est la condition nécessaire pour retrouver la ductilité, la puissance de percussion, la vitalité du destin de Roland.


C'est là aussi la possibilité de proposer deux versions du spectacle, l'une d'une heure environ davantage centrée sur La Chanson de Roland et principalement destinée au public scolaire, l'autre tout public et enrichie d'épisodes supplémentaires – les deux pleines d'entrain, de drôlerie, et de poésie.


Turold et son compagnon, théâtre épique et tradition circassienne


Quant au spectacle lui-même, il empruntera à la tradition épique sa logique d'incarnation narrative. Le clown Gramblanc ne jouera pas Roland, le personnage principal : il fera le récit de sa vie, dont il aura été le témoin. En l'occurrence Gramblanc jouera Turold, personnage inspiré par cet hypothétique auteur mentionné à la toute fin de La Chanson de Roland, dont on trouve également le nom sur la presque contemporaine Tapisserie de Bayeux, associé à un individu vêtu comme un jongleur mais tenant deux chevaux par la bride – une sorte d'écuyer poète, ou peut-être de chevalier histrion comme ce Taillefer plusieurs fois mentionné dans la littérature médiévale, lançant la bataille d'Hastings en chantant les aventures de Roland !


De ce Turold, de ce Taillefer, mais aussi du Thierry de La Spagna, écuyer de Roland assistant à sa mort, est ainsi né un personnage à la fois proche et critique du célèbre paladin, témoin décalé comme peut l'être un Sganarelle. C'est lui dont se saisira le clown blanc de Jean Lambert-wild, comme il s'est emparé de Lucky, Richard III ou Dom Juan, poursuivant ainsi l'exploration de grands personnages du répertoire menée depuis quelques années avec Lorenzo Malaguerra.


Une autre dramaturgie sera convoquée, qui viendra se télescoper avec la tradition performative du théâtre épique, celle du cirque. Gramblanc aura en effet un partenaire de jeu particulier à ses côtés : une ânesse. Notre clown évoquera donc peut-être aussi le Sancho Panza de Cervantes puisque, comme lui, il sera affublé d'un compagnon imprévisible et borné à l'image du chevalier qu'il a servi. C'est en tout cas en sa compagnie, à ses côtés, en duo, que notre Turold gueule cassée racontera au public sa chanson de Roland, partagée avec fureur, tendresse, admiration et goguenardise.

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