Dans un pauvre village du Se-Tchouan Dieu cherche une bonne âme qui lui offrira le gîte et le couvert. Il ne trouve que Shen-Té, la petite prostituée. Récompensée, elle reçoit 1000 dollars et ouvre une boutique de tabac qui lui fera découvrir la face la plus sombre de ses contemporains. Shen-té s’invente un double, un cousin exploiteur. Réécrit, dépoussiéré, dansé et chanté par une jeune troupe au talent explosif, le texte de Brecht rarement monté, se pare d’une actualité joyeuse et terrifiante.

Grande pièce de l’exil, La Bonne-Âme est assez rarement représentée. La complexité du propos et des différents moments scéniques en est probablement la cause. En situant sa pièce dans une région reculée d’une Chine alors méconnue, il en commence l’écriture en 1938, Brecht plante un décor universel, symbole de l’éternelle misère du peuple et du prolétariat. Son propos dépasse largement le simple récit d’une belle histoire de bonté et de récompense. Seule face à la noirceur, la lâcheté et la veulerie de ses compagnons de misère, à leurs embrouilles parfois comiques, l’ancienne petite prostituée devenue marchande de tabac ne peut sauver son âme et ses principes. Elle doit se créer un double, son exact opposé, un cousin dur en affaires, exploiteur et sans scrupule. Pivots de la pièce, les deux personnages antinomiques en font toute sa richesse.