C’est la faute de Jean Paul Dumas le directeur du Centre Culturel de Terrasson, avec son obsession des arts du chemin, des spectacles en jardin et de sa manie de vouloir toujours vous mettre un livre étrange entre les mains. Celui-ci était la Stratégie du Caméléon de Jean- François Bouvet, un livre drôle et très documenté sur toutes les stratégies du vivant pour séduire, se cacher et tout ce qui fait l’adaptation à la vie. L’ayant lu et manifestant mon enthousiasme, le même père Dumas m’a dit : « tu en ferais bien une adaptation pour une petite forme en jardin ». L’animal m’avait piégé. Je me suis retrouvé à expérimenter ces histoires animales pour la Saint Amour 2005 dans le très beau jardin de Pougne-Hérisson.

Je ne sentais pas cette aventure aboutie. Une petite musique me titillait : « Il faut que ce soit une femme qui raconte cela, d’une part parce que depuis Darwin on sait que c’est la femelle qui choisit et non l’inverse et de l’autre il me semble qu’il y a dans ce comparatif animal/humain de la matière pour une parole féminine sur la séduction et le « rapprochement des sexes ».

Angélique est une bessoune, une jumelle. Nous partageons les sensibilités et les origines rurales et vendéennes. Son itinéraire l’a emmenée vers une pratique exigeante du théâtre. Elle en aime toutes les facettes, elle a un regard gourmand sur les expériences qui le nourrissent, qui l’ancrent dans le vivant, le palpitant de notre monde. Elle porte aussi par sa langue maternelle, cet héritage puissant, un grand sens de l’oralité. Quand je lui ai parlé de ce projet, elle a bondi dessus, disponible pour une aventure hors les murs, en lien direct avec le public.

A deux dos, la charge est moindre et avance ailleurs et plus loin. Nous nous y sommes attelés sans rechigner. Le bât ne blesse pas, il mène à nous, légèrement. Pister la bête en amour sans savoir si nous pourrons en faire des médications pour les solitudes des humains, c’est pathétique et heureux à la fois, la vie quoi !

Yannick Jaulin