La scène est blanche comme une feuille. Les spectateurs se font face, de part et d’autre de la tranchée blanche. Les acteurs sont au milieu, dans le défilé, en première ligne, toutes coutures visibles. Ils arpentent, à coup d’essais, l’envers de l’histoire contemporaine. Vu de loin ou de haut, on devine un plan, le déroulement d’une grande pièce fantôme aux allures de fresque ou de bas-relief.

D’abord, il y a une salle de répétitions, où cinq acteurs éprouvent les rôles titres du temps, ceux qui hantent les désirs capitaux du début de ce siècle. Ensuite, une salle de spectacle, où cinq acteurs jouent cinq CRS, accumulant par couches successives les gestes simples et métaphysiques de l’ordre à maintenir, jusqu’à ce que la pensée dérape. Enfin, une salle d’audience, où cinq acteurs sont convoqués à la barre de l’État pour avoir joué des CRS, puis sautent une dernière fois de bancs en bancs, de rôles en rôles, relançant à la main le tourniquet bouffon de la rhétorique judiciaire.