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L'Eclipse du 11 août

+ d'infos sur le texte de Bruno Bayen
mise en scène Jean-Pierre Vincent

: Présentation

Deux soeurs ou trois


Christine : Mieux vaut soixante-six pour cent d’éclipse sur fond bleu qu’un ciel sans pardon en Meurtheet- Moselle.
[...]
Christine : L’enfance, Béa, si tu parlais moins de l’enfance, je ne veux plus crisper les doigts dessus. Béatrix : Naturellement. Elle a cessé de nous gratter l’épaule. Même plus d’écho. Plus de passerelle. Qu’un peu de honte. De haine aussi.
[...]
Christine : Nous sommes deux soeurs, liées comme du foin… Ni amies ni étrangères, soeurs… Deux reines, deux vieilles reines, elle, moi, qui, une fois tous les deux ans, viennent l’une vers l’autre au milieu de l’été pour franchir le cap d’hiver, comme une reine de Hongrie qui envoie prendre des nouvelles de Portugal.


Deux soeurs dans une vieille 4L aux confins de la Meurthe-et-Moselle, dans un paysage aux relents de trois guerres (Celle de 1870, la première et la seconde guerre mondiales). Deux demi-soeurs en fait, pas tout à fait entières donc, et dont on saisira les bribes de vies pas tout à fait abouties. Elles ne se sont pas vues depuis deux ans, depuis la mort de Lady Di. Elles sont venues là, aux abords du village de leur enfance, - les villages existent-ils encore - ? pour regarder l’éclipse. Celle de 1999, la deuxième et dernière de ce siècle en fin de course. Et dans ce paysage - qui n’a jamais bien su à qui il appartenait, à la Prusse, l’Allemagne, la France ? - où rien ne reste plus de leur enfance, avec la tranquille inquiétude de qui vieillit, elles s’interrogent sur l’avenir du monde.


Béatrix : Prestataire, vacataire. L’église vidée de ses fidèles, la rue du commerce de ses commerces, de son odeur de gris, de rouille, de cafés tristes, vous ne ferez pas de vieux os.
[...]
Le prêtre : On ne dit plus l’hospice ni on ne dit les fous,mais le centre ou le château et on dit les seniors et les êtres exceptionnels.


Là, entre une ancienne base américaine, un campement de Roms et « le château des êtres exceptionnels », elles vont croiser un jeune prêtre. Sorte de prolétaire itinérant qui bat la campagne pour trouver des fidèles. Et parmi les voix des Roms, on entend celle d’une troisième demi-soeur. La plus jeune, celle du dehors (forcément) qui chante son enfant à venir…


La pièce baigne dans la France. Dans un moment historique où une certaine France craque. Une France dont Jean-Pierre Vincent et Bernard Chartreux aiment à fouler l’histoire et l’ordinaire, de Musset à Jean-Luc Lagarce en passant par Vichy Fictions. La région, la base américaine, nous rappellent un certain passé mais le texte donne aussi un coup de canif très précis dans la réalité d’aujourd’hui, dans l’Europe d’aujourd’hui, dans la mondialisation d’aujourd’hui. Un terreau fertile pour l’histoire de ces deux soeurs et sur lequel vont s’épanouir leurs parts de secrets.


Christine : « Comme à Gravelotte. » Ne t’excite pas.
Béatrix (rit) : C’est que c’est l’expression. Ça échappe. On en revient là. Ça échappe. « Comme à Gravelotte » : toujours dans la bouche des hommes de la zone, tous les médaillés… Ça m’échappe… Mi-août le fin mot du cousin de l’oncle Jo, l’assureur à tête de porcelet en tapotant le baromètre : À Gravelotte c’était pas de l’eau.


Ce sont aussi des histoires de décalage. Décalage du langage, mots d’hier désuets ou disparus, tournures du présent, presque comme un jouet neuf dans la bouche des deux femmes plus toutes jeunes. Décalage familial, deux demi-soeurs, plus une troisième, avec absence de mère, un père omniprésent. Une fratrie, sans vraiment d’amour. Un village qui s’inscrit dans un paysage au passé bancal. Un prêtre sans paroisse. Un dialogue qui se noue au coin d’une route et d’un chemin, à la croisée d’un temps qui nous échappe dans un présent fissuré.


Bruno Bayen, homme de théâtre et romancier hors norme, poète à l’oeuvre multiple, plonge ici avec raffinement dans le langage du réel. Non sans malice et non sans rage, il s’interroge sur le temps. Le temps qu’il fait, le temps qui passe, celui que nous fabriquons et qui nous fait vieillir. À la lisière du banal, par fragments, il tisse comme un jeu aux pistes multiples, comme autant d’énigmes, de mises en doutes.


TEXTE TIRÉ D’ENTRETIENS AVEC BRUNO BAYEN, JEAN-PIERRE VINCENT ET BERNARD CHARTREUX

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