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L'Amérique

+ d'infos sur le texte de Serge Kribus
mise en scène Serge Kribus

: Knocking on Heaven's Door

Les années qui ont vu éclore tant de promesses, tant de mythes aussi sur le rock, la drogue, et la liberté ne furent pas pour moi que des années de joie, de déconnades ou d’émancipation. Ce furent aussi des années de solitude et de peur. Mais elles avaient nourri mon imaginaire avec les couleurs psychédéliques des sous-marins jaunes, des odeurs sulfureuses et des coups qu’on donne contre la porte du ciel. Comme si la provocation pouvait nous soulager du manque.


J’observais. J’étais fasciné. Je me voyais parfois torse nu, une Gibson pendue au cou, une Camel serrée entre les cordes et dix mille personnes qui transpiraient dans un hangar enfumé et qui attendaient mon poème, ma chanson. Et ma chanson dirait au monde mon envie de tout changer, ma rage, mes révoltes, mon désir violent de musique et d’amour. Et dans la foule, chacun allumerait son briquet. Et tout le monde chanterait « Oh Oh Oh Oh Oh », pour que le concert continue. Et il continuerait jusqu’au matin. Et nous serions tous en nage, épuisés, mais convaincus que nous avions raison et que le monde allait enfin changer. Oui, bien sûr. Ce n’était même qu’une question de mois, d’années, tout au plus.


Il n’y a pas eu de Gibson, encore moins de hangar, juste quelques Camel qui donnaient un peu l’illusion. Quant au monde, il changeait sous nos yeux, mais pas dans le sens que nous attendions.


Un jour pourtant, il n’y a pas très longtemps, j’ai entendu trois coups de feu, et quelques accords de guitare. J’ai revu Bruxelles, la ville de mon enfance et de ma jeunesse, et j’ai su que mon heure était enfin venue. C’était peutêtre un peu tard. Mais quelle importance ? À défaut de prévoir et d’anticiper, je me souviendrais de ceux qui avaient rêvé d’un autre monde. De ceux qui en revinrent, parfois détruits, parfois meurtris, parfois grandis, enfin de ceux qui voulurent le traverser et le démystifier. Et si j’avais un peu de chance, ma chanson sur quelque chose de notre passé dirait aussi quelque chose de notre présent.

Serge Kribus

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