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L'Or et la paille

mise en scène Jeanne Herry

: Note d'intention

« Donne-moi de l’argent ! »
Ainsi s’ouvre L’or et la paille de Barillet et Gredy, et la problématique de la pièce est énoncée. Il y a tout dans cet impératif trivial autant que désespéré lancé par Géraldine à Thierry, le mari, le double, le frère de fortune et d’infortune. Il y a le besoin impérieux et l’urgence. Il y a la dépendance et le rêve, le tiret et le point d’exclamation, l’amour et l’Argent. Et un A majuscule qui mettra trois actes à revenir chez lui, en tête du mot Amour.
Cette pièce me plaît, elle est amusante, maligne, originale, ludique et cruelle, drôle et rigoureuse, légère et profonde.
Cette pièce, écrite au tout début des années 50, me touche car elle me parle de mon époque et de moi. Avec l’élégance de l’humour, elle me raconte pêle-mêle le culte de l’apparence et de la séduction, le consumérisme et l’individualisme, la convoitise, le cloisonnement social, l’importance des réseaux, et surtout le brouillage des valeurs. Les personnages expriment à merveille cette perte de repères, la dévalorisation du travail, le chamboulement dans la hiérarchie des priorités, ces superflus devenus nécessaires, cette quête de bonheur qui ne passe pas par l’épanouissement personnel et la recherche d’un idéal mais par celle du confort matériel et de la possession, cette obsession de l’argent enfin, qu’il n’est pas question ici de gagner mais de trouver, quitte à piétiner tout le monde y compris soi-même.
Cette pièce me touche car les auteurs ne jugent personne, ils aiment et parviennent à nous faire aimer leurs personnages. Et c’est bien là un tour de force. Velléitaire, vénal, malhonnête, immoral, menteur, manipulateur, désinvolte, profiteur, chaque personnage l’est tour à tour ou tout à la fois, et pourtant… Ces jeunes gens sans le sous aiment l’argent avec tellement de candeur et d’innocence ! « Pourquoi n’avons-nous pas d’argent, nous qui l’aimons tant ! » Et Raoul et Cora, ces « vieux riches » sont tellement assoiffés d’amour ! Pas de victimes ici, mais quelques abuseurs abusés.
Cette pièce me touche enfin particulièrement car elle traite de notre rapport au temps. Temps court et temps long. Comme moi, cette pièce a l’obsession du temps qui presse et qui passe. Scène après scène, tout le monde passe son temps à attendre ou à faire attendre, à trépigner, à perdre du temps en pensant en gagner. Géraldine et Thierry sont pressés par les dettes, par la panique, par l’envie, par les incessants coups de sonnettes ou de téléphone qui retentissent comme des sonneries de réveil… Ils sont jeunes, disposent d’une réserve de temps importante et en font n’importe quoi. Car s’ils se refusent à travailler pour gagner de l’argent, quelle débauche d’énergie et de moyens pour en trouver !
Quant à Cora et Raoul, leur coeur s’est asséché et leur âme gonflée de nostalgie. Leur réserve de temps a fondu, ils savent que l’argent ne sauve personne du vide, de la solitude, ni de l’ennui. Cet argent, ils sont prêts à le troquer contre un peu d’amour et un sursis de jeunesse. Jusqu’à un certain point…

Jeanne Herry

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