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Accueil de « L'Opéra de Quat'sous »

: Note d’intention

« Pour moi le chant c’est le legato. Ce n’est pas chanter une notre après l’autre. C’est qu’il y ait, dans le mouvement du chant, quelque chose qui est vu à travers, au-delà de la matière. Donc quand je dis legato, au fond, c’est le continuum. C’est l’idée que tout est rassemblé, que tout à une place. Y compris moi, qui suis ce que je suis, coupable, brisé, douloureux : j’ai une place dans la totalité. Par la puissance du chant, non seulement je me redonne cette place, mais en plus je reconstruis la totalité, pour un instant ».
Olivier Py, dans l’Autruche n°3, publication de la Comédie de Genève.


Mackie, Peachum, Jeanne-des-Lupanars…


J’imagine les Mackie, les Peachum, les Jeanne-des-Lupanars d’aujourd’hui comme les gitans de mon enfance que je croisais au quotidien dans le quartier du « Pont du Travail » de Barcelone. Les plus déshérités c’étaient eux, et pourtant, il m’arrivait de surprendre des conversations animées où j’attrapais au vol des : « aujourd’hui, je vais faire fortune ! » ou « je suis un prince, s’il me regarde, je le fends en deux… ». Les baraques alignées le long des voies de chemin de fer du « Pont du Travail » fascinaient et terrifiaient le petit barcelonais que j’étais, c’était un territoire interdit, où les enfants, paraît-il, étaient « drogués et vendus »… Peu à peu, par volonté politique, les baraques ont cédé la place à un parc, où platanes et arbustes s’alignent à leur tour. Les territoires interdits comme « le Pont du Travail » se font de plus en plus rares car il est généralement souhaité que la « vie normative » s’y impose. Si elle ne parvient pas à s’y imposer, ces territoires se transforment le plus souvent en zones vertes ou en chantiers, les gitans sont généralement relogés, déplacés, oubliés.


Je suis frappé par la similitude entre la réalité des roms d’Espagne, de France ou d’Italie et les habitants du texte de Brecht. Du fait de leur exclusion, les seules ressources possibles pour leur survie sont la mendicité organisée ou le vol à la petite semaine. Je suis convaincu qu’aujourd’hui, L’Opéra de Quat’sous parle d’eux. Suite à la sédentarisation imposée par Ceausescu, les gitans de Roumanie (Carpates, vallée du Danube ou de la Mer Noire), ont abandonné les métiers qui leur étaient historiquement réservés et ont été employés par l’état. A la fin de la dictature, ils se sont retrouvés sans activité, vivant des subsides de l’état. Ceux qui mendient ou volent aujourd’hui sont parfois d’anciens policiers, ou militaires (Le Chant des Canons). Brecht donne la parole, une parole chantée, aux bannis du mouvement du monde, ce chant pilonne les certitudes, dégage de l’espace et, comme dit Py, reconstruit la totalité.
Brecht, en définitive, fait de la place à ceux qui n’en trouvent plus.

Joan Mompart

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