Phèdre aime Hippolyte. Elle se suicide en l’accusant de viol. L’abcès est crevé. En faisant ce cadeau à cet homme gras et cynique, elle lui offre le pouvoir de faire éclater la vérité dans tout ce qu’elle a de plus violente. Hippolyte est le reflet d’une génération désabusée, cloisonnée dans une société de consommation extrême, cherchant un moyen de se sentir exister.

Rarement mis en scène en France, L’Amour de Phèdre est une pièce crue et violente. Nous refusons pour autant la pure monstration trash, préférant le jeu intime, la suggestion symbolique portée d’images scéniques fortes. L’environnement sonore et vidéo, les jeux de lumière participent d’égale mesure à la mise en scène : la musique créée en direct accompagne à chaque instant les comédiens, comme un personnage supplémentaire (se faisant écho du peuple). Les décors quant à eux sont épurés, stylisant des éléments, des lieux où se joue l’action. Des images symboliques et des vidéos sont directement projetées sur l’espace d’Hippolyte l’écrasant dans sa chambre, prison de l’hypermodernisme.

La tragédie est mise en avant dans le traitement de la langue et l’inclusion de passages de l’œuvre de Sénèque, tels des échos lointains de figures archétypiques se réveillant au paroxysme des névroses contemporaines. Il y a dans notre création le désir d’immerger totalement le spectateur dans l’intimité du texte, de l’installer dans une bulle suintante de promiscuité, pour déposer au creux de son oreille tout ce qu’il peut y avoir d’horrible, de puissant et de beau dans l’Amour de Phèdre.

Parce que le théâtre ne peut se contenter du seul divertissement, parce qu’il doit aussi susciter des réactions, inciter à penser, notre recherche tente de mettre en regard la société actuelle et pousser le public à s’y confronter. Le croisement des arts (théâtre, danse, vidéo, arts plastiques et création sonore live) auquel nous aspirons nous apparaît ainsi comme l’expression la plus appropriée pour aborder les enjeux de notre époque.