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L'amour d'une femme


: Rencontres (2)

J'ai rencontré Fabienne Luchetti, il y a une dizaine d'années, autour de l'enregistrement d'une fiction radiophonique à France-Culture avec la réalisatrice Marguerite Gateau, qui l'avait choisie comme interprète.
Nous avons imaginé un premier travail ensemble autour d'une trilogie de textes courts, dont elle a enregistré Outre pour la radio.
En 2005, Fabienne me faisait expressément la demande d'un monologue autour de l'amour. Il se trouvait que je venais de terminer un récit Douce-ment, je l'ai donné à Fabienne en lui disant que je n'écrirais rien d'autre sur l'amour avant longtemps.
À ma grande surprise, elle a immédiatement voulu faire quelque chose de ce texte au théâtre.
Dont acte cinq ans plus tard.


Entre-temps, invitée à un festival à Tunis, j'ai fait l'expérience d'une lecture adaptée de ce texte.


Publié en 2007 sous le titre L'amour d'une femme, qui révèle sa nature de lied, par Laure Adler aux éditions du Seuil, ce texte a une adresse équivoque, un TU qui domine la narration.
Ce TU est double, témoin d'une dissociation. Il désigne aussi bien la narratrice que celle qu'elle a aimée et qui l'a laissée. Le titre ambivalent et réversible dit encore : est-ce l'amour de quelqu'un, d'une femme, pour elle ? Est-ce ce l'amour donné par une femme ? Quelle femme ? Dans tous les cas, la femme embrasse la question de l'amour.
Dans L'amour d'une femme, tout est d'abord affaire de corps, de dissolution physique dans l'extrême bonheur et le chagrin. Affaire de retour à soi et de perte de soi. De découverte d'une altérité au prix d'une fusion séparatrice. Interrogation de ce que l'amour nous fait et de ce que nous lui faisons, plutôt que récit autofictionnel. Écrire ne consistant pas pour moi à raconter mon histoire, mais l'histoire qu'une histoire (vécue, entendue, transmise) nous raconte et qui nous emmène ailleurs.
Cet ailleurs que le théâtre peut, à son tour, offrir comme expérience. L'expérience d'un corps en train de raconter sa découverte d'un territoire inexploré, sa traversée du néant et sa reconnaissance du vivant dans la jouissance comme dans la disparition.
Le théâtre est le miroir du livre : il redonne le corps que la littérature n'a cessé de traquer et de susciter. Il rend visible la question inhérente au récit de l'amour : qui est la langue de l'autre ? Le corps, la langue des mots ? Les mots, la langue du corps ?


Durant cinq années, Fabienne Lucchetti n'a cessé de vouloir porter ce texte.
Cela me fait dire que la langue fait acte et que la fiction dit la réalité, mais celle d'une autre. Et lorsque cette langue devient celle d'une actrice, des questions autres encore apparaissent, renvoyant aux précédentes : à nouveau, qui précède quoi ? Qui (quoi) engendre quoi (qui) ? La mise en bouche ou la mise en corps ? Que fait l'amour aux mots ? Que lui font-ils ?
Et qu'est-ce que le théâtre - qui remet du corps là où la littérature n'avait plus que les mots pour dire le corps disparu -, va donner à voir de nouveau ?

Claudine Galea

27 avril 2010

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