: Jouer l’Opéra de quat’sous avec 3 bouts de ficelle et 23 funambules
UN OPÉRA DE QUAT’SOUS : LE TITRE
MÊME DE L’OEUVRE EST UN TONIQUE
PARADOXE. La grande force poétique et dramatique
de Brecht est de regarder le monde avec une
distance inventive – « distanciation » ou « effet
d’étrangeté » ou « éveil critique » ? – permettant à
l’oeuvre de ne pas sombrer dans la « pièce à thèse »,
le simple portrait d’un monde cruel et sans espoir.
L’exploitation de l’homme par l’homme. Cette tragique
thématique est l’occasion de jouer avec
urgence une comédie pour résister par le plaisir, démonter
joyeusement, et en musique, l’absurdité
d’un système et la potentielle cruauté humaine.
Brecht nous invite à danser sur le volcan, et peutêtre,
après le spectacle, avec de l’ancien faire du nouveau,
échafauder un autre monde. IL Y A DANS
L’OEUVRE BRECHTIENNE UNE INSOLENCE,
UNE LIBERTÉ, UN SENS DE LA CONTRADICTION,
UN REFUS DES CLICHÉS, UNE
JUBILATION, UN HUMOUR CORROSIF,
UNE RÉVOLTE ARGUMENTÉE, QUI INVITENT
LE SPECTATEUR À UNE VÉRITABLE
FÊTE THÉÂTRALE DE L’ESPRIT ET DES
SENS.
Sur scène, une ronde, un grand mouvement de la
pensée où tout se transforme. Dans cettemêlée poétique
se côtoient malfrats, mendiants, prostituées,
policiers, autant d’emplois, de rôles interchangeables.
Parmi eux, un antihéros, Mackie-le-Surineur, à
la fois artisan, bandit, roi du crime, jouisseur, amant
et époux, directeur d’entreprise, condamné à mort
et banquier anobli par la reine. Condensé d’humanité,
dans sa sublime imperfection, dans ses contradictions
insondables, il est un matériau idéal pour
l’acteur.
C’EST SUR CE MODE D’ACTION QUE
L’ESPACE SCÉNIQUE SERA INVESTI PAR LES
23 ARTISTES, COMÉDIENS, CHANTEURS,
MUSICIENS QUI INCARNERONT CETTE
HUMANITÉ DÉSESPÉRÉMENT JOYEUSE.
Pour inventer d’autres mondes, il s’agira de déconstruire
de l’ancien pour reconstruire du nouveau, démonter
le héros et ses réponses pour inventer un
antihéros qui pose des questions, vider la traditionnelle
fosse de son orchestre pour investir le plateau
nu, sublime et misérable. A l’image de Mackie
fumant son cigare, recrachant la fumée et disparaissant
dans le brouillard de Londres, les êtres et les
choses, les lieux et les temps surgissent, se recyclent,
se métamorphosent devant nos yeux.
LES INTERPRÈTES VONT TRAVERSER
L’HISTOIRE DU CLAN MACKIE, DU CLAN
PEACHUM, ET SE REFAIRE DEMONDE EN
MONDE. ILS SERONT TANTÔT PAUVRES,
MENDIANTS, FLICS, MALFRATS, PUISSANTS,
PUTAINS... JAMAIS À L’ABRI
D’UNE SURPRISE DU DESTIN, CAR ILS
SAVENT CETTE PLANÈTE INSTABLE ET
L’IDENTITÉ MOUVANTE.
Aujourd’hui le temps s’accélère et les espaces s’abolissent,
comme si la réalité s’inspirait du théâtre.
Mais ici, au théâtre, on peut arrêter la tragédie et
inventer une fin de conte de fée. Quant à la vie ?
Laurent Fréchuret et Edouard Signolet
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