C’est par cette phrase dite au public que le texte de l’Indigène finit. Ce n’est pas une accusation, ou une morale mais un constat sur notre monde. Et l’on sait bien qu’une société se révèle par la façon dont elle traite les plus faibles de ses membres.

Kroetz nous parle de notre monde à travers les codes de l’enfance. L’Indigène est une pièce pour marionnettes/Guignol, dessinée à gros traits, où les maisons sont en pain d’épice, où l’on parle avec Jésus Christ, où les Hommes sont comme de gros oiseaux noirs, où il pousse des ailes à une Dame Pipi. On y parle, en même temps, très cru, comme dans les toilettes d’une gare, on calcule avidement ses allocs, et on accepte, en échange de l’amour, le sida. Irmi, l’Indigène du titre (étymologiquement « celle qui est née là »), n’a rien d’exotique : elle est bavaroise, et elle est, dans cette fable inspirée des contes de Grimm, tout simplement la Femme, celle qui accouche d’un enfant pour lequel, désespérément elle va chercher un père.

Kroetz, auteur allemand contemporain, toujours vivant, est de la génération qui a suivi la 2ème guerre mondiale, la génération des fils de ceux qui ont fait la guerre des nazis. Enfant allemand pour qui le modèle des Pères est en faillite. Cette question là : que transmettent les Hommes, et comment arrivent-t-il (ou pas) à être des Pères, est la question qui traverse la pièce.

Nathalie Mauger

septembre 2011