Personnage hors du commun, poète, musicien, romancier, Norodom Sihanouk a vécu sur la terre comme sur une scène. Il fut roi, puis chef d’état puis roi de nouveau et parfois premier ministre en même temps, avant de devenir Chef d’état en exil... Artisan de l’indépendance cambodgienne, il se lança dans des alliances successives avec l’URSS ou la Chine… sans oublier la France dont il vénérait la langue et la culture (il fut un des fondateurs de la Francophonie avec Senghor). Le théâtre ne pouvait ignorer un personnage aussi flamboyant et ambigu. Ce fut Ariane Mnouchkine qui en 1985 le lança sur la scène dans l’admirable pièce d’Hélène Cixous. Georges Bigot tenait alors le rôle-titre d’un spectacle qui fit date dans l’histoire du Théâtre du Soleil. C’est lui aujourd’hui, avec Delphine Cottu, qui transmet à de jeunes acteurs cambodgiens peut-être la seule pièce de théâtre au monde qui tenterait de raconter leur propre histoire : épopée théâtrale et humaine de grande envergure qui se construit avec la complicité de trente jeunes circassiens tous issus de l’École des Arts du Phare Ponleu Selpak – "la lumière de l’Art" — organisation culturelle khmère dont la fondation à Battambang remonte au retour en 1994 de jeunes réfugiés cambodgiens, enfants "sauvés" dans les camps par des ateliers de danse et de dessin. Voici une aventure artistique exceptionnelle, qui perpétue l’ambition théâtrale et citoyenne du Théâtre du Soleil et nous rappelle à quel point les plateaux de théâtre peuvent se faire l’écho de l’Histoire en cours.