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L'Habilleur

+ d'infos sur le texte de Ronald Harwood traduit par Dominique Hollier
mise en scène Laurent Terzieff

: Note d’intention

Cette pièce rend compte de l’importance qu’a eu dans l’histoire du théâtre la tradition des acteurs chefs de compagnies, un peu partout en Europe, et cela du 17ème siècle jusqu'à la fin des années 30. Ces acteurs, chefs de troupes ou chefs de compagnies (« capo comico » en Italie) jouaient d’un bout à l’autre du pays, pour faire partager au public l’amour qu’ils portaient à leurs auteurs.


Tous n’atteignaient pas la capitale, leur territoire, c’était la province. Ils faisaient des tournées dans des conditions matérielles et physiques effroyables. Ils vénéraient leur répertoire et croyaient au théâtre en tant que puissance éducatrice et culturelle. Ils étaient souvent ridicules dans leur cabotinage et leur mégalomanie. Comme le rappelle Harwood, leur devise était : « le théâtre, c’est moi ». Mais leur conviction que l’art en général, et le théâtre en particulier, devait sauver le monde, et lui était aussi nécessaire que le boire et le manger, rejoint un thème qui traverse toute l’œuvre théâtrale de Harwood. Dans « Temps contre temps », et dans « A tort ou a raison », il s’agissait de musique, ici c’est le théâtre.


Ce qui m’a retenu avant tout dans cette pièce, c’est la beauté dérisoire de la situation : en 1941, en Angleterre on joue « Le roi Lear » dans un théâtre de province pendant que tombent sur la ville les bombes allemandes. S’adressant aux avions, l’acteur crie avant d’entrer en scène : « Bombardez! Mais sachez que chacune de mes répliques sera un bouclier contre votre barbarie ».
Tout d’abord j’étais un peu réticent à l’égard de « L’habilleur ». Ma répugnance pour l’histrionisme me rendant peu séduisant ce vieux « crabe de génie », ainsi que son habilleur qui ne survit que par le biais de l’illusion, le théâtre n’étant pour lui qu’une fuite devant la réalité du monde alors qu’il devrait en être (selon moi) le reflet signifiant. Et puis j’ai toujours éprouvé un certain recul pour les pièces qui ont pour sujet le théâtre. Non seulement parce que l’on y « parle boutique », mais parce que, de façon insidieuse, une vision totalisante et globalement expliquée du théâtre nous est toujours plus ou moins imposée.


Mais dans un deuxième temps ces deux faces d’un même personnage ont fini par me fasciner. L’habilleur est le miroir de l’acteur. Non pas un miroir devenu fou, comme dans Pirandello, mais un miroir amoureux des choses de la scène auxquelles sa sensibilité homosexuelle trouve un culte aussi exclusif que platonique.


Il est vraiment le miroir de ce roi Lear, à la fois carcasse vide et personnage de légende, voué à l’éphémère et qui ne peut plus porter dans ses bras que sa jeunesse morte. L’acteur mort il ne reste plus à l’habilleur que de tuer une seconde fois celui qu’il a adoré, et sans lequel il n’est plus rien.

Laurent Terzieff

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