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L'Habilleur

+ d'infos sur le texte de Ronald Harwood traduit par Dominique Hollier
mise en scène Laurent Terzieff

: La Pièce

En 1953, j’ai eu la chance d’être engagé par Sir Donald Wolfit qui présentait à Londres une saison sur Shakespeare et d’autres auteurs ; je devais faire de la figuration et donner un coup de main en coulisses, notamment pour aider à créer les effets sonores de la scène de la tempête dans le Roi Lear. Il y avait dans la troupe un autre jeune acteur qui s’appelait Harold Pinter. Peu après le début de la saison, son habilleur ayant quitté la compagnie, Wolfit me demanda de prendre sa place, ce que je fis, par intermittence, pendant les sept années suivantes.
Donald Wolfit était un acteur-chef de troupe Shakespearien : il finançait donc sa propre compagnie et jouait tous les premiers rôles. Il tournait dans les îles Britanniques en long en larges et en travers, et jouait rarement à Londres. Ce fut l’un des derniers grands acteurs-chef de troupe, une grande tradition du théâtre britannique qui remonte au 18è siècle, mais qui à l’époque où j’ai rejoint la compagnie, était déjà largement dépassée. Le chef de troupe finançant les spectacles sur ses propres deniers, il était d’une avarice proverbiale, payait ses acteurs le salaire minimum et dépensait le moins possible pour les décors et les costumes. Un autre Type d’économie s’est trouvé à mon avantage. Dans le théâtre en vue à l’époque, l’acteur principal employait un habilleur spécialisé qui ne s’occupait que son maître. Dans la compagnie de Wolfit, parce que cela revenait moins cher, il choisissait comme habilleur un membre de la troupe et c’est comme ça que j’ai obtenu l’emploi qui à changé ma vie.
On a dit que Laurence olivier réalisait des tours de force alors que Wolfit était forcé de tourner. Il était la cible de nombreuses plaisanteries de la part du tout Londres, mais c’est que ceux qui le moquaient ont choisi d’ignorer ses dons et son extraordinaire talent. Wolfit était un grand acteur qui s’est distingué dans ses interprétations de Volpone, Tamburlaine, Shylock, Richard III, Macbeth et surtout, dans son magnifique Roi Lear . il avait un registre vocal exceptionnel qui lui permettait de jouer des notes les plus graves ou d’une voix de tête très haute avec la même puissance. Par dessus tout, Wolfit croyait au théâtre, et la grande capacité du théâtre à enrichir la vie des gens qui de déplaçaient en masse pour le voir.
Il est mort en 1968, à l’âge de 66 ans. A cette époque j’étais déjà auteur, et dans son testament, Wolfit avait demandé que j’écrive sa biographie, ce que je fis - Sir Donald Wolfit, CBE, his life and work in the Unfashionable Theatre. Dix ans plus tard, l’idée me vint à l’esprit d’écrire une pièce inspirée par mon expérience. Je voulais écrire un hommage au théâtre et à tous ceux qui y travaillent, avec souvent peu de récompense.
Sans le faire exprès, et sans avoir en avoir vraiment conscience, j’ai créé une image miroir du Roi Lear, les bombardements représentant la tempête, le manque de jeunes acteurs valides faisant échos à l’escorte réduite de « cent chevaliers « - six dans la production de Wolfit. Le maître souffre d’une dépression nerveuse, reflet atténué de la folie de Lear, et le personnage central de Norman, l’habilleur, le serviteur dévoué, est un amalgame du Fou et de Cordélia, dont de nombreux spécialistes pensent qu’à l’époque de shakespeare, ils étaient joués par le même acteurs. La pièce n’est pas un documentaire. Le maître n’est pas Wolfit mais un acteur chef de troupe shakespearien qui a une existence propre, même si ce ne serait pas tout à fait honnête de nier qu’il possède certains des qualités et défauts de Wolfilt. Et je ne suis certainement pas Norman, personnage inspiré par une catégorie particulière de serviteurs du théâtre dont j’ai rencontré de nombreux représentants au début de ma carrière. C’étaient pour la plupart des hommes. Leur vie privée restait cachée. Mais ils s’épanouissaient et s’éclairaient à l’instant où ils passaient la porte de l’entrée des artistes pour pénétrer dans le monde magique où ils étaient le plus heureux.

Ronald Harwood

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