theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « L'Emprunt Edelweiss »

L'Emprunt Edelweiss

+ d'infos sur le texte de Hervé Blutsch
mise en scène Hervé Blutsch

: Entretien avec Hervé Blutsch

Propos recueillis par Eugénie Pastor - 23 juin 2011

Comment est né ce projet?


Au départ, il y a un plaisir de l'écriture radiophonique, et celui d'écrire des textes pour des ambiances sonores. J'écris essentiellement des pièces de théâtre et à plusieurs occasions, alors qu'on me demandait de faire une lecture d'une pièce, j'aimais transformer la lecture en spectacle en y ajoutant des ambiances sonores. J'ai par ailleurs dans le passé travaillé à des formes radiophoniques où je faisais toutes les voix. Le désir de créer ce spectacle est né de toutes ces expériences. Il y a en outre ce défi d'écrire une pièce pour un dispositif où je serai seul, et qui me permettrait d'emmener les gens dans des univers plus sonores que visuels. Mettre en scène, en quelque sorte, la façon dont j'écris mes pièces : en les jouant, seul, chez moi derrière mon bureau. Je désire explorer les façons dont je peux entraîner les gens dans un imaginaire particulier, avec des codes assez simples, et où comment, seul, il me sera possible de faire entrer sur scène une vingtaine de personnages et d'emmener les gens dans quelque chose de plutôt drôle…


Vous serez donc seul sur le plateau, et serez-vous aussi seul à travailler aux aspects plus techniques : les changements de voix par exemple, seront-ils effectués en direct, depuis le plateau ?


Le dispositif que j'utiliserai est assez simple, autonome, et il me permettra de produire des sons, de dialoguer avec des voix enregistrées. J'aurais en outre la possibilité de modifier ma voix en direct, ce qui, encore une fois, présente une dimension ludique ! Je souhaite créer une forme qu'on pourra aussi bien regarder qu'écouter en fermant les yeux.


«Ecouter en fermant les yeux»… Pourquoi est-il important qu'un tel travail soit effectué sur scène, et non pas comme une forme radiophonique ? Pourquoi ce désir de placer sur scène ces univers qu'on entend mais ne voie pas ?


Il y a, d'une part, un côté ludique : celui de découvrir en temps réel une personne sur scène en train de fabriquer l'histoire que le spectateur entend, ce type qui raconte tout seul une histoire de plus en plus compliquée. Il y a aussi ce désir de montrer comment, seul à sa table, on crée de la fiction, comment se déroule une démarche d'écriture … Ce qui est important, c'est la capacité du conteur à embarquer les spectateurs dans une fiction alors qu'il est évident que seule une personne est présente sur scène. C'est, je trouve, une texture intéressante et qui est propre au théâtre : celle d'un plaisir très enfantin à jouer. Enfin, l'autre plaisir que je trouve dans cette démarche, c'est de pouvoir écrire un texte avec un grand nombre de personnages, quelque chose qui serait plutôt difficile à monter, et savoir que je peux la jouer seul. Ne pas m'empêcher, pour des raisons de production, de faire entrer sur scène beaucoup de personnages, d'emmener les spectateurs dans des univers très différents… A ces désirs s'ajoute une contrainte : c'est un spectacle que nous souhaitons très mobile, adaptable à différentes salles, et qui puisse être joué de façon plus souterraine, dans des espaces qui ne sont pas théâtraux. Il y a donc cette nécessité de n'avoir qu'une seule personne sur scène. Mais comme il ne s'agira ni d'un one-man-show ni d'un stand up, d'un point de vue spectaculaire, il va falloir trouver quelques astuces pour créer du spectacle en étant assis à une table ! Comment, dans cette situation un peu pauvre, triste, de solitude, entraîner le public vers un ailleurs ?


De cette façon, vous mettrez en lumière la technique, en levant le voile sur les rouages de la pièce, de son écriture, et de votre travail de comédien…


J'écris des pièces de théâtre pour la scène. Je sais toujours pourquoi j'écris, pour moi le théâtre se fait au plateau, et c'est au plateau que je pense lorsque j'écris. Lorsque je devais faire des lectures de mes pièces, pour moi la question se posait toujours : comment faire en sorte que cet exercice ne soit pas ennuyeux ? Comment lire un texte, seul, en le rendant toutefois attrayant ? J'aime ce côté homme-orchestre, cette dimension spectaculaire, qui devra néanmoins s'effacer au profit de l'histoire que je raconterai. Il s'agit véritablement de créer une forme théâtrale, non pas une performance.


Il s'agit d'une démarche intéressante pour un écrivain : décider de se placer au centre des regards… Pourquoi ce désir d'être sur scène, et de ne pas se contenter d'écrire la pièce pour un acteur ?


Je prends un véritable plaisir à être sur le plateau et à jouer. C'est aussi un plaisir que de travailler des environnements sonores, de créer des voix au préalable, un travail que je ne pourrais pas mener de la même façon si je créais le spectacle avec un acteur. Cette préparation en amont, cette «tambouille» d'un univers, c'est quelque chose que je ne retrouve pas quand je vois mes pièces montées par d'autres, ou quand moi-même je monte mes pièces avec d'autres. Là, j'ai une totale maîtrise, j'ai la main sur l'objet que je crée, ce qui est très agréable. Mais je n'exclue toutefois pas l'idée que le spectacle puisse éventuellement être joué par un autre que moi. Je travaille ainsi à construire un spectacle dont la conduite pourrait être reprise par quelqu'un d'autre, si le besoin se présentait.

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.