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L'Expérience du feu

Simon Gauchet ( Conception )


: Notes de l'actrice

Jeanne d’arc, c’est une chanson d’Arcade Fire, un film de Dreyer, le visage d’une femme les yeux au ciel et les joues ruisselantes de larmes, la peur et la résignation, et Antonin Artaud trop beau, Jeanne d’Arc c’est aussi Antonin Artaud en robe de bure, Antonin Artaud pas encore mais déjà fou. Jeanne d’Arc c’est une paysanne qui garde les moutons sur le livre d’images des saints quand j’étais petite, ma copine d’Orléans qui me parle de l’élection de Jeanne d’Arc qui a lieu tous les ans et elle qui ne l’a jamais été (s’est-elle déjà présentée ? Je ne sais plus). Jeanne d’Arc c’est une chanson: « Mes amis que reste t-il à ce dauphin si gentil, Domremy, Beaugency, Notre Dame de Clery, Vendome, Vendome. » La si do si la si sol, la si sol, la si sol, la si do si la si sol, si la sol : une chansonnette que ma mère m’appris a jouer au piano avec deux doigts, la première que j’ai su jouer et la seule qu’elle sache jouer, elle qui ne connaît pas le piano. C’est la première femme tondue dont j’ai entendu parler. Le mythe d’une femme vierge qui montait à cheval et faisait la guerre. Un fantasme. Un fantasme d’homme. Un fantasme de petite fille quand je voulais être un garçon. Mais ça pourrait aussi être une comédie Jeanne d’Arc. On pourrait raconter des blagues « vous ne m’avez pas cru, vous m’aurez cuite! », parler d’autre chose, profaner l’Histoire et la religion. Casser le mythe. Questionner l’imaginaire collectif. Transformer les symboles. L’Histoire est faite par ceux qui la racontent. Jeanne d’Arc c’est moi! Je suis Jeanne d’Arc. Je suis manifeste. Je suis la parcelle de chair où se rencontre le vertical et l’horizontal, la poésie et l’histoire, le mythe et la vérité, la politique et la mystique. Un corps offert aux manifestations de l’au-delà, là où la légende complète l’histoire pour offrir à un monde tremblant et replié sur lui-même le combustible pour continuer d’alimenter le système qui l’exploite. Nous avons besoin de mythes et de héros pour réinterroger le cours de l’Histoire. Pour tenter de donner du sens à ce qui n’en a plus ? Pour continuer à s’aveugler afin de survivre ? Artaud disait que le vrai courage serait peut-être de détruire ce monde, d’accueillir la mort plutôt que de laisser perdurer ce non-sens. Aller vers le corps sans organe. Ici corps offertoire. Sacrifice? Transparence! Qu’est ce qui reste toujours? L’énergie vitale. Survivance des exploités et des exploitants. La mort n’est pas de ce monde. Persistance. La roue tourne toujours. Jusqu’à quand? Questionner le mythe et la croyance. Abolir le savoir. Le théâtre à l’épreuve. Jeanne au bûcher. Ordalie poétique.

Karine Piveteau

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