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L'Avare

+ d'infos sur le texte de  Molière
mise en scène Benoît Lambert

: Note d’intention

Par Benoît Lambert

De Scapin à L’Avare, un itinéraire


Il n’est pas toujours facile de dire pourquoi on aime un auteur. Molière, j’ai l’impression qu’il m’accompagne depuis toujours, qu’il incarne pour moi l’essence du théâtre. Depuis Les Fourberies de Scapin, qui a été un de mes tous premiers spectacles, jusqu’à L’Avare aujourd’hui, il a rythmé mon parcours. Et j’y suis toujours revenu à des moments charnières. Aujourd’hui, cela coïncide avec mon arrivée à Saint-Etienne. Tartuffe je l’ai monté quand j’ai pris la direction du CDN de Dijon, Le Misanthrope c’était quand nous nous sommes installés à Belfort avec le Théâtre de la Tentative... C’est de l’ordre du retour aux sources j’imagine. Et peut-être aussi du retour à l’enfance.


J’ai découvert Molière à l’école, et je pourrais dire « comme tout le monde ». Parce que Molière, tout le monde le connaît, on a forcément étudié une de ses pièces au collège, ça fait partie du programme. Il faudrait d’ailleurs se demander pourquoi : pourquoi c’est lui, l’auteur national ? Pourquoi dit-on « la langue de Molière » ? Pourquoi la République a choisi cet auteur forcément royaliste (difficile d’être autre chose au milieu du XVIIème !) pour incarner le génie français ? Et pourquoi un auteur comique ? etc...


Il y a un mystère Molière.


En tout cas, cette découverte par l’école ne m’a pas rebuté, au contraire. Je le précise parce que ça ne va pas de soi : on peut haïr durablement les œuvres et les auteurs que l’école nous impose. Mais Molière, je l’ai aimé d’emblée. Et plus j’approfondis ma connaissance de son œuvre, plus je l’aime. C’est très étrange d’ailleurs : quand je me replonge dans ses textes, à intervalles réguliers, j’ai toujours un moment de surprise, presque une déception. Ça n’est donc que ça ? Des histoires de mariage, de cocuage, des querelles familiales, des quiproquos éculés, des bastonnades...? J’ai d’abord l’impression qu’on connaît tout ça par cœur, je vois mal ce qu’on va pouvoir en tirer, je me demande ce qui a pu tant me plaire chez lui, je me dis que c’est fini, qu’on ne m’y reprendra plus... Je pense à tous ces gens, et ils sont nombreux, en particulier chez les professionnels du théâtre, qui affirment tranquillement ne pas l’aimer, et je trouve qu’ils ont raison. Ça m’a fait ça lorsque j’ai relu L’Avare : je me suis un peu demandé ce qui m’avait pris, de vouloir monter ce machin. Et puis en travaillant, en relisant, en approfondissant, l’enthousiasme revient, intact, plus grand même. Je suis ébloui à nouveau, et je l’aime encore davantage.


Molière acteur


Je pense que ce caractère inépuisable de son œuvre tient d’abord au fait que Molière était acteur. Et pas n’importe quel acteur : probablement le meilleur de son époque. Ses pièces sont écrites depuis le plateau, pour une troupe, et avec elle. On le sent fortement quand on répète : c’est un théâtre qui appelle le jeu, un théâtre profondément vivant. Pour cette raison même, c’est souvent très émouvant de travailler une pièce de Molière. Parce qu’on a l’impression de rencontrer non pas tant un génie littéraire qu’une troupe d’actrices et d’acteurs fantômes, qui ont dit ces mots il y a quatre cent ans, et qui nous accompagnent. C’est une fraternité d’artisans, par-delà les siècles.


Pour moi, ce parcours dans l’œuvre de Molière est d’ailleurs indissociable de mon compagnonnage avec Emmanuel Vérité. Toutes les pièces de Molière que j’ai montées, je les ai montées avec et pour lui. C’est une aventure commune, partagée avec un acteur, depuis bientôt trente ans. Et je crois qu’on ne peut bien saisir Molière que depuis l’intérieur du plateau. C’est un théâtre qui suppose de beaucoup aimer les actrices et les acteurs, de les placer résolument au centre de l’acte théâtral. Sinon, on n’y comprend rien.


L’auteur de la décentralisation


Les pionniers de la décentralisation ont beaucoup monté Molière : Vilar, Dasté, avant eux Copeau, Jouvet et Dullin, et ensuite Planchon, Vitez, Chéreau, Vincent... Molière est intimement lié à l’histoire du théâtre de service public. À Saint-Etienne, Dasté a monté dix-sept de ses pièces ! C’est l’auteur qui a été le plus joué par la Comédie à ses débuts.


Les raisons de cette affinité élective entre un auteur du XVIIème et un mouvement esthétique et politique typique du XXème siècle ne sont pas simples à démêler. Il faudrait interroger les historiens du théâtre. C’est toujours cette histoire d’ « auteur national », sans doute. Dans la reconstruction de l’après-guerre, après l’occupation et la collaboration, j’imagine que ça avait beaucoup de sens de jouer Molière. Et puis il est fréquent qu’un mouvement esthétique cherche de nouvelles voies en opérant une sorte de retour à l’origine, ou aux fondamentaux. C’est flagrant chez Copeau par exemple, quand il monte Les Fourberies de Scapin sur le fameux « tréteau nu ». Ou chez les brechtiens français, qui, comme Planchon, « redécouvrent » eux aussi Molière. Pour moi en tout cas, cette connexion forte entre Molière et la décentralisation ajoute une dimension mythologique supplémentaire à son théâtre...


Le « bizarre » Avare


Molière a écrit L’Avare en 1668. Deux ans après la création du Misanthrope, c’est un retour à la « grande comédie » en cinq actes. Apparemment, la pièce reçut à sa création un accueil assez réservé, ce qui peut sembler étrange si l’on considère qu’elle est devenue par la suite l’une des plus célèbres, et l’une des plus jouées de son auteur. Après la présentation de la pièce devant la cour à Saint- Germain-en-Laye, le gazetier Robinet, tout en louant « l’excellence » de L’Avare, évoque aussi son esprit « bizarre ». On peut penser que ces réserves tiennent pour une part à l’usage de la prose, alors que les « grandes comédies » de Molière (L’École des femmes, Le Misanthrope, et bientôt Tartuffe, qui avait été écrite avant L’Avare mais qui ne sera autorisée à être représentée qu’en 1669) sont plutôt écrites en vers. Mais cela tient aussi sans doute au fait que L’Avare, contrairement aux apparences, n’est pas une véritable comédie d’intrigue : à certains égards, l’action principale semble se dissoudre à mesure que la pièce avance, au profit d’une machine comique de plus en plus implacable et de plus en plus folle. Si l’on considère par exemple le vol de la cassette par le valet La Flèche, on peut considérer que c’est un événement théâtral central (puisqu’il déclenche l’une des plus célèbres scène de Molière, le monologue d’Harpagon égaré par la disparition de son argent) mais c’est un événement qui n’aura finalement aucun effet sur l’intrigue : en effet, le vol doit servir à Cléante, le fils d’Harpagon, de monnaie d’échange pour obtenir la main de Marianne, mais ce chantage sera rendu inutile par la « révélation » finale (où l’on découvre que la « pauvre » Marianne est en réalité la fille du seigneur Anselme), révélation qui suffit à elle seule à faire rentrer les choses dans l’ordre. On pourrait multiplier les exemples de ces « bizarreries », (concernant le rôle joué par l’entremetteuse Frosine, par exemple, ou encore l’intrigue sentimentale entre Valère et Élise) qui donnent à la pièce son côté fantasque et capricieux. C’est presque un rêve de théâtre, ou plutôt un cauchemar, mais un cauchemar comique, d’une drôlerie terrible.


En réalité, Molière est coutumier du fait : si l’on regarde par exemple Les Fourberies de Scapin, qui est aussi une pièce à « révélation », dans laquelle tout finit par rentrer dans l’ordre presque magiquement grâce à une reconnaissance finale, on se rend compte que toute l’énergie déployée par Scapin - pour sauver les fils des mésalliances qu’ils ont contractées en secret - était en réalité déployée « pour rien », pour le pur plaisir du théâtre, ou pour la beauté du geste, puisque les fils, sans le savoir, ont en réalité épousé celles qui leur étaient destinées.


Je crois que si on garde à l’esprit l’idée que Molière était d’abord acteur, alors beaucoup des « bizarreries » de ses pièces s’éclairent immédiatement. C’est vrai qu’il y a parfois des choses très étranges dans les pièces de Molière, presque des incohérences. Mais c’est souvent qu’elles sont bâties autour de scènes clés, que Molière avait très envie de jouer à cause de leur puissance comique : dans L’Avare, typiquement, le monologue de la cassette, ou encore le quiproquo entre Valère et Harpagon, l’un parlant de son argent, l’autre de son amour, etc. Pour le reste, pour faire tenir ses pièces, Molière « bricolait » : il opérait par montage et coutures, en se servant allègrement dans tout un répertoire à sa disposition, depuis le théâtre antique, jusqu’aux pièces italiennes et espagnoles de son époque. « Je prends mon bien où je le trouve » disait Molière. C’est comme ça qu’il a inventé un théâtre en liberté.


Pour moi, cet art du montage ou du bricolage n’affaiblit pas du tout son théâtre : c’est même tout l’inverse. Ça lui confère une modernité, et une vitalité inattendue : celle d’un théâtre écrit depuis le plateau, porté par la nécessité des circonstances et les exigences de la comédie. Et je crois que c’est aussi pour cela que ses pièces gardent toujours une dimension énigmatique, et qu’on continue à les jouer aujourd’hui.


Haute et basse comédie


Une autre bizarrerie de L’Avare tient à sa façon de mélanger les registres de jeu, et d’opérer par contrastes et ruptures. D’un côté, les jeunes gens s’expriment dans une prose cadencée d’une grande beauté, les scènes d’amour entre eux, notamment celles qui ouvrent la pièce, relèvent clairement d’une « haute comédie » sentimentale, typique de l’esprit galant de l’époque. De l’autre côté, le vieillard ridicule, effrayant et méchant, obsédé par son argent, qui maltraite ses enfants et bat ses valets, semble issu d’un autre monde, celui de la farce ou de la commedia dell’arte. La hauteur des sentiments, le recours aux métaphores, aux formules délicates et raffinées, qui caractérisent les jeunes amoureux, tranche avec la brutalité comique et triviale qui envahit la scène avec Harpagon. L’acte I de la pièce est entièrement construit autour de ce contraste, de ce choc des mondes et des esthétiques.


Pour moi, cela renforce encore la dimension cauchemardesque de la pièce : on a l’impression que ces jeunes gens, purs et nobles, presque héroïques, sont enfermés contre leur gré dans un monde, ou dans un théâtre, qui n’est pas le leur, un théâtre qu’Harpagon leur impose contre leur gré. Comme s’ils étaient les otages de son avarice, c’est-à-dire de sa folie.


Éloge de la jeunesse et guerre des générations


Les quatre amoureux de la pièce sont je crois parmi les plus beaux rôles de jeunes gens écrits par Molière : Élise et Cléante, les enfants d’Harpagon, Valère et Marianne, ceux d’Anselme (comme on le découvrira à la fin de la pièce) sont des personnages magnifiques, qui se débattent dans un monde qui refuse de leur faire une place, un monde qui les empêche de vivre et de s’aimer. L’avarice, c’est aussi, et simplement, cela : le refus d’accueillir la génération suivante, de lui transmettre quoi que ce soit, et notamment les conditions d’une vie vivable. Molière prend toujours le parti de la jeunesse, c’est l’une des grandes beautés de son théâtre. Et dans L’Avare, cette question est particulièrement aiguisée, elle est le cœur même de la pièce.


Il y a une guerre des générations qui court dans L’Avare : les scènes de confrontation entre Harpagon et son fils Cléante notamment sont d’une violence assez stupéfiante. L’affrontement des fils et des pères est un motif récurrent dans l’œuvre de Molière, mais rarement il aura atteint un tel degré de haine et de férocité. On rit, bien sûr, mais si on y regarde de près, tout de même : quelle horreur !


La situation initiale, au début de la pièce, est par elle-même parfaitement terrifiante : deux hommes âgés ont pour projet d’épouser deux jeunes femmes qui sont en réalité leurs filles respectives, et dont leurs fils sont amoureux. Si on ne craignait pas les anachronismes, on pourrait dire qu’il y a là quelque chose de quasiment freudien, une forme d’inceste implicite assez révoltant. Tout rentrera dans l’ordre à la fin, grâce à la « reconnaissance » terminale, qui redonnera à chacun sa chacune, et qui permettra de sortir de cette confusion toxique entre les générations. Il n’empêche que le monde que dépeint la pièce reste bien celui dans lequel l’égoïsme des pères empêche les enfants d’accéder au mariage, aux biens, aux places. À la vie, en somme.


Ce qui est terrible d’ailleurs c’est que cette jeunesse, malgré sa noblesse, malgré sa hauteur de vue et de sentiment, va être progressivement corrompue par l’atmosphère délétère produite non pas seulement par Harpagon, mais finalement par tous les personnages d’âge mûr dans la pièce : la Flèche, le valet voleur, Frosine, l’entremetteuse trouble, Maître Jacques, le serviteur fourbe et menteur. On a l’impression qu’à leur contact, les jeunes gens commencent à leur tour à mentir, à voler, à devenir violents... Il faudra l’intervention providentielle, et presque magique du « bon » père, Anselme, pour que tout rentre dans l’ordre. Mais avant qu’il n’apparaisse, à la toute fin de l’acte V, c’est l’enfer et le chaos ! Ce qui permet de mesurer qu’une bonne comédie présente presque toujours des gens auxquels il arrive en réalité des choses assez épouvantables. C’est un exercice de cruauté. Et en matière de cruauté, Molière est absolument sans rival...


Bien entendu, cette affaire de guerre des générations joue beaucoup dans mon désir de monter L’Avare aujourd’hui. La question du (mauvais) sort réservé aux jeunes générations est désormais centrale dans nos sociétés vieillissantes, elle a encore été accentuée par le désastre écologique et la crise sanitaire. Le portrait d’une jeunesse étouffée par l’égoïsme et l’avarice des vieillards, voilà qui résonne étrangement avec notre époque...


Paysage de cauchemar


Ces différents éléments me donnent envie de traiter la pièce comme un petit conte horrifique, une comédie noire, drôle et méchante, à l’image d’Harpagon. Lui, je l’imagine comme un croisement monstrueux entre un Pantalon de commedia et Nosferatu le vampire. Il y a dans L’Avare un côté « folle journée », une suite de catastrophes, un enchaînement de désastres, auquel on aurait envie de donner des airs de sarabande macabre.


Antoine Franchet, le scénographe du spectacle, a commencé à travailler sur une maison un peu effrayante, un petit château hanté, perdu dans la brume, dont on ne saurait dire s’il est déjà en ruines ou encore en construction. Avec Violaine L. Chartier, la costumière, nous évoquons aussi bien les vieux films d’horreur de la Hammer que l’univers gothique d’un Tim Burton, par exemple. C’est qu’il s’agit aussi de trouver des lignes, des silhouettes, qui donnent de la consistance à la fois aux outrances de la comédie et à la brutalité sèche de la pièce. C’est aussi, je l’ai dit que cet Avare, par sa construction même, a des allures de rêve, ou de cauchemar éveillé. Il pourrait être intéressant de jouer un peu à se faire peur...


C’est au fond toujours la question quand on monte un classique : que faut-il montrer ? Ici et maintenant ? Ou ailleurs et autrefois ? Je me méfie toujours un peu des « illusions rétrospectives », qui nous font rechercher des réponses à nos propres questions dans les textes du passé. Considérer que Molière parle « d’aujourd’hui », c’est un peu vain, et surtout très faux. Molière parle de son époque, pas de la nôtre, et quatre cents ans nous séparent. Je crois qu’il est toujours important de garder cela à l’esprit, de se rappeler qu’il y a « de l’histoire », c’est-à-dire aussi des changements et des bouleversements. Prétendre que rien ne change jamais, c’est céder à tous les fatalismes et à tous les renoncements : non, les choses changent au contraire, et c’est aussi ce que l’on peut vérifier quand on monte un classique. Et c’est même ce qui peut nous donner aussi du courage et de la force pour affronter le présent. En même temps, et c’est tout le paradoxe, c’est bien sûr aujourd’hui que nous représentons la pièce, et si elle nous « parle » encore, si nous pouvons comprendre ce qui s’y joue, c’est aussi parce qu’elle peut devenir le miroir déformant de nos questions du moment.


Mais c’est peut-être ce qu’il y a de plus stimulant finalement quand on décide de représenter une pièce du passé : tenter de se tenir à égale distance de la reconstitution historique et de l’actualisation forcée.


Il s’agit au fond d’inventer un monde, qui n’est ni d’aujourd’hui ni d’autrefois, un monde de théâtre, où se lit la distance du temps qui a passé, en même temps que les échos saisissants qui nous en parviennent encore. Et ce sont les actrices et les acteurs qui viennent donner corps, au sens propre, et sous nos yeux, aux fantômes du passé. Le théâtre, c’est quand même toujours un peu l’art de ressusciter les morts...


Molière, un auteur « critique »?


Une dernière chose, pour finir.


Elle concerne la dimension « critique » de la pièce. Il est habituel de faire de Molière l’auteur qui vise à « corriger les mœurs par le rire » ; c’était d’ailleurs ainsi qu’il se présentait lui-même. Il est alors toujours tentant de chercher, dans les pièces de Molière, ce qu’elles « dénoncent », comme si elles étaient des manifestes pour ceci ou pour cela. Qu’en est-il pour l’Avare ?


En s’attaquant à l’avarice, on peut dire que Molière s’en prenait en fait à un vice commode. La ladrerie était unanimement condamnée par le public aristocratique et galant auquel étaient destinées ses pièces : la vertu estimable, c’était la « libéralité », c’est-à-dire la générosité associée au désintéressement. Compter son argent, chercher à accumuler, c’était évidemment considéré comme une activité méprisable et vulgaire par la noblesse et les « beaux esprits ». À cet égard, L’Avare est une pièce consensuelle, qui dans le fond de ce qu’elle dénonce, semble prendre infiniment moins de risques que n’en prendra Tartuffe.


Évidemment, il est très tentant de faire résonner cette condamnation de l’avarice avec une critique beaucoup plus moderne de l’accumulation, de la recherche effrénée du profit, du mercantilisme généralisé, bref, de la bourgeoisie. Molière précurseur de Marx, en somme. C’est un contresens, évidemment, mais en art les contresens n’ont guère d’importance, on peut même leur trouver quelques vertus ! Ce qui est sûr c’est qu’il y a bien dans L’Avare, comme dans beaucoup de pièces de Molière, une critique de la bourgeoisie, et de l’esprit de boutique. Mais ça n’est pas une critique « progressiste », comme on se l’imagine parfois, puisqu’elle est faite au nom des valeurs aristocratiques, pas du tout au nom de la défense du « peuple ». L’image d’un Molière « populaire », ayant débuté sa carrière sur les routes de France et les places de village, est un mythe républicain tardif.


Cela étant, c’est là malgré tout que se joue je crois une partie de ma fascination pour Molière. Son théâtre critique certes la bourgeoisie, qui commence à prendre son essor dans ce milieu du XVIIème siècle, et il le fait apparemment pour complaire à l’aristocratie de cour. Sauf que lui-même, le fils de « tapissier » (c’est à dire en réalité de marchand de meubles de luxe) est issu de cette même bourgeoisie, qui joue désormais un rôle de plus en plus stratégique dans l’administration et le développement du royaume. Et ce alors même que la cour, enfermée à Versailles, voit décroître

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