: Extraits
Séquence VII.
Savez, que je sauve le gamin, ça n’a pas changé grand-chose pour moi au village. Les gens
avaient besoin de passer leurs tourments sur quelqu’un et la fille sortie du fumier comme un
cafard de son cloaque était la personne idéale pour ça.
Grommet, la très grosse fille du forgeron, s’asseyait toujours sur moi pendant que Jack et Wat
enduisaient mes cheveux de purin. Le meunier me pinçait toujours les fesses dès qu’il le pouvait, le
tailleur crachait toujours par terre quand il me croisait. C’était comme ça. Mais quand même, la
boulangère était gentille avec moi et Will le Roux me jetait moins de pierres et de pommes
tombées de l’arbre depuis que je l’avais tiré de l’eau.
C’était comme ça la vie au village avec les saisons qui s’ensuivaient, les arbres qui changeaient de
couleurs, les vieux qui passaient et les braillards qui arrivaient pour les remplacer.
Séquence IX.
« Touchez à un seul poil de ce chat et j’ouvre cette bouteille de sang de rat et de chair de
vipère, et j’appelle le Diable pour qu’il vous transforme en femmes et comme ça, vous marcherez
comme des femmes, vous porterez des robes de femme et vous accoucherez comme des
femmes ! »
Je n’avais plus peur des garnements, savez ? Les gredins étaient encore en train de martyriser
Ronron. Je les surprends, leur jettent les grosses noix dures qui remplissent mon panier et sans
réfléchir je les menace de ce qu’ils craignent le plus, être changé en femme. Ça les a pétrifié et
moi aussi. Je ne les craignais plus.
Doucement, la vie, ma vie changeait. L’hiver s’installait et pourtant mes journées semblaient plus
chaudes.
Un soir de brume bien froid, c’est à Joan, la femme du régisseur, de mettre au monde.
…
Séquence X.
« Enfant, viens donc ! Le Christ t’appelle à la lumière ! »
Quand tout avait échoué, que l’enfant était vraiment têtu, il lui arrivait de crier dans le tunnel de
la naissance :
« Enfant, viens donc ! Le Christ t’appelle à la lumière ! »
Je la regardais faire, faufilée dans les chaumières. Une coquille d’oeuf remplie de jus de poireau et
de mauve précipite la naissance, savez ? C’est comme ça. Caresser le ventre de la mère avec le
sang d’un crâne rend l’accouchement plus facile. Les racines et les fleurs d’aristoloche intensifient
les contractions, les oreilles de souris et les feuilles de saule arrêtent les saignements. Le thé à
l’anis et au fenouil aide à faire venir le lait. Toutes ces choses je les ai apprises en observant la
sage-femme dans son travail.
Pour contrer le mauvais sort des sorcières qui empêche les bébés de parler à leur naissance, il faut
verser du sel dans leur bouche et dans leurs berceaux. Un bébé né le matin ne verra jamais de
fantômes, un garçon né après la mort de son père sera capable de soigner les fièvres. C’est
comme ça.
Je la regardais faire, peu à peu je savais faire, je pensais que je savais faire. Les gens du village
pensaient que je savais faire. Savez ?
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