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L'Apprentie sage-femme

mise en scène Félix Prader

: Extraits

Séquence VII.
Savez, que je sauve le gamin, ça n’a pas changé grand-chose pour moi au village. Les gens avaient besoin de passer leurs tourments sur quelqu’un et la fille sortie du fumier comme un cafard de son cloaque était la personne idéale pour ça.
Grommet, la très grosse fille du forgeron, s’asseyait toujours sur moi pendant que Jack et Wat enduisaient mes cheveux de purin. Le meunier me pinçait toujours les fesses dès qu’il le pouvait, le tailleur crachait toujours par terre quand il me croisait. C’était comme ça. Mais quand même, la boulangère était gentille avec moi et Will le Roux me jetait moins de pierres et de pommes tombées de l’arbre depuis que je l’avais tiré de l’eau.
C’était comme ça la vie au village avec les saisons qui s’ensuivaient, les arbres qui changeaient de couleurs, les vieux qui passaient et les braillards qui arrivaient pour les remplacer.




Séquence IX.
« Touchez à un seul poil de ce chat et j’ouvre cette bouteille de sang de rat et de chair de vipère, et j’appelle le Diable pour qu’il vous transforme en femmes et comme ça, vous marcherez comme des femmes, vous porterez des robes de femme et vous accoucherez comme des femmes ! »
Je n’avais plus peur des garnements, savez ? Les gredins étaient encore en train de martyriser Ronron. Je les surprends, leur jettent les grosses noix dures qui remplissent mon panier et sans réfléchir je les menace de ce qu’ils craignent le plus, être changé en femme. Ça les a pétrifié et moi aussi. Je ne les craignais plus.
Doucement, la vie, ma vie changeait. L’hiver s’installait et pourtant mes journées semblaient plus chaudes.
Un soir de brume bien froid, c’est à Joan, la femme du régisseur, de mettre au monde. …




Séquence X.
« Enfant, viens donc ! Le Christ t’appelle à la lumière ! »
Quand tout avait échoué, que l’enfant était vraiment têtu, il lui arrivait de crier dans le tunnel de la naissance :
« Enfant, viens donc ! Le Christ t’appelle à la lumière ! »
Je la regardais faire, faufilée dans les chaumières. Une coquille d’oeuf remplie de jus de poireau et de mauve précipite la naissance, savez ? C’est comme ça. Caresser le ventre de la mère avec le sang d’un crâne rend l’accouchement plus facile. Les racines et les fleurs d’aristoloche intensifient les contractions, les oreilles de souris et les feuilles de saule arrêtent les saignements. Le thé à l’anis et au fenouil aide à faire venir le lait. Toutes ces choses je les ai apprises en observant la sage-femme dans son travail.
Pour contrer le mauvais sort des sorcières qui empêche les bébés de parler à leur naissance, il faut verser du sel dans leur bouche et dans leurs berceaux. Un bébé né le matin ne verra jamais de fantômes, un garçon né après la mort de son père sera capable de soigner les fièvres. C’est comme ça.
Je la regardais faire, peu à peu je savais faire, je pensais que je savais faire. Les gens du village pensaient que je savais faire. Savez ?

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