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L'Aigle à deux têtes

+ d'infos sur le texte de Jean Cocteau
mise en scène Caroline Rainette

: Présentation

J'ai découvert L'Aigle à deux têtes lors de mes études de théâtre, en 2002. A la fois romantique, politique et psychologique, cette pièce fut pour moi une véritable révélation et je concevais immédiatement le souhait de la jouer un jour sur scène.


Il fallait, cependant, garder à l’esprit que L'Aigle à deux têtes était une pièce peu jouée, car emprunte de fioritures quelque peu poussiéreuses aujourd’hui. Aussi était-il nécessaire de l’appréhender avec un oeil neuf et sans concession, afin que ce texte superbe, grandiose et flamboyant puisse se déployer et véritablement toucher les spectateurs. En effet, avec cette pièce, Cocteau renouvèle le drame romantique. Comme dans la légende de Tristan et Yseult qu’il avait revisitée avec L’Éternel Retour peu de temps avant, les thèmes de l’amour et de la mort sont puissamment et habilement orchestrés, à travers un langage ample, emporté, exalté, fiévreux, moteur principal de l'action et imposé par des personnages débordants de sentiments, tour à tour naïfs, orgueilleux ou politiques. Cachés sous les fioritures, le texte de Cocteau découvre des accents raciniens et shakespeariens[1], une nette parenté pour l’histoire avec Ruy Blas de Victor Hugo, ou encore des emprunts pour la psychologie des personnages à Tennessee Williams[2].


L'Aigle à deux têtes est une pièce magnifique mais difficile, véritable drame romantique qui touche à la tragédie classique[3] : les personnages sont confrontés à une destinée qui les dépasse, plongés dans des situations extrêmes au sein desquelles ils se débattent, où les forces qui s'affrontent finissent par s'abolir et même s'unir. La pièce, aux situations vertigineuses, à l’atmosphère pesante, lourde, tourmentée, dont la construction ingénieuse et rigoureuse ménage des retournements de situation saisissants, est éminemment théâtrale : bruits extérieurs, portes dérobées, conversations surveillées par un témoin invisible, poison, poignard, morts impressionnantes. Action et spectacle sont rois : « Je voulais faire du théâtre-théâtre et cacher les idées sous les actes »[4] dira Cocteau.


Certes l’histoire est invraisemblable : comment une reine peut-elle tomber amoureuse instantanément d'un jeune anarchiste pétri de haine contre la monarchie, venu pour l'assassiner ? Rien de réaliste, même si la trame est celle d'une énigme policière : poursuite, enquête, surveillance[5]. Pourtant on veut croire à cette grande histoire intemporelle d'un amour impossible entre deux êtres passionnés, où les éléments entrainent la Reine et Stanislas dans un mouvement ascensionnel qui culmine dans l'image de l'aigle à deux têtes, avant leur chute.

Notes

[1] Cocteau a d’ailleurs relu Andromaque de Racine « pour apprendre à lâcher un peu l'écriture » (Cocteau, Journal 1942-1945, Gallimard, p. 422), et a traduit une scène d'Hamlet pour l'intégrer au texte de L’Aigle à deux têtes.

[2] En 1949 Cocteau monte d’ailleurs Un Tramway nommé Désir au théâtre Edouard-VII.

[3] Comme beaucoup de ces contemporains Cocteau était en quête d’un théâtre comparable à ce que furent en leur temps les grandes tragédies grecques ou françaises.

[4] Cocteau, Entretiens Cocteau-Fraigneau, Éditions du Rocher, 1989, p. 136.

[5] « Il faudrait réussir une de ces grandes scènes de police que j’adore, comme celle de Crime et Châtiment », Cocteau, Journal, op. cit., p. 421.

Caroline Rainette

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