Il flotte en l’air à plus de 30 centimètres du sol.
Les pieds légèrement écartés, flottant dans le vide.
Son bras gauche est tendu
allongé par derrière lui.
Dans cette main,
il y a une petite chose ronde sur laquelle ses doigts se serrent.
Quand ses joues rebondies
Seront vidées de tout leur souffle
la pierre aura atteint son but.
Cette photo est tombée du paquet,
d’autres sont éparses au sol.
Là il n’y a plus de doute des hommes face à des soldats avancent lentement,
faisant attention à chacun de leur pas
les mains parfois crispées au bord de leur chemise relevée
Ou les mains tenant délicatement du bout d’un doigt
le revers d’un tee-shirt relevé lui aussi.
Les ventres ainsi haut découvert de ces hommes
Avancent face à nous ;
Fragiles, émouvants tant ils nous semblent en cet instant banals, communs,
sauf pour ces soldats pointant leurs armes sur eux,
qui entendent résonner, cogner
dans leurs crânes le fracas des explosifs.

Ces photos et bien d’autres sont à l’origine de ce travail.
De nombreuses étapes ont ponctué la naissance du projet.
C’est d’abord au cours du festival Ecrire et mettre en scène Aujourd’hui en mai 2002 que nous avons regardé ensemble pour la première fois avec l’équipe d’acteurs et un auteur ami, ces photos du conflit Israélo-Palestinien. Nous n’étions bien sûr pas préparés à travailler sur ce thème et partiellement informés sans doute .Mais ce sujet délicat, comme on nous le dit depuis du bout des lèvres comme une façon de nous dissuader d’en parler… Cette souffrance, plus exactement c’est elle qui nous a bouleversés.
Il y eut donc 10 jours d’improvisation, de recherche et une première écriture….
Ensuite ce voyage de 3 semaines, en octobre 2002, ces rencontres en Israël et en Territoires Palestiniens, dans la bande de Gaza, voyage fondateur, qui me permit de ne jamais oublier(cf. extraits des notes de voyage).
Et enfin ce mois de mars 2005 de laboratoire de travail « Ecrire la Palestine, La terre aux oliviers » qui a permis la naissance de deux textes (Terre sainte de Mohamed Kacimi) et ce texte L’affiche de Philippe Ducros. Ces deux textes commandés par le Panta et mis en chantier avec un groupe d’acteurs, à l’épreuve de la scène.
Je pourrais aussi ajouter les lectures publiques de Jean Genet qui nous ont ramenés doucement vers le projet, la rencontre de Leila Shahid. Et celles de Portraits juifs de Herlinde Koelbl.

Aujourd’hui, nous réussissons à reprendre cette histoire, l’Affiche de Philippe nous donne les mots nécessaires, pour témoigner, et dire les secousses sismiques du monde, de notre monde. La fiction théâtrale fera son travail de démolition, face à l’actualité immédiate. Tragédie profonde, noeuds complexes où l’histoire se fait. Ces histoires, qui Aujourd’hui encore, nous convoquent !

Nous pourrons tenter bien sûr des parallélismes dans l’histoire de ces deux peuples.
Nous pourrions aussi soulever l’incompréhensible violence d’un peuple
engendré par le fardeau de la défaite,
au- regard de son histoire. Le sacrifice assassin et inutile de l’autre partie

Mais quelle est donc cette terre qui dévore ses enfants.
Lieu d’origine de trois religions.
Peut- être n’y a-t-il pas de territoire à conquérir
Mais juste un chemin à parcourir.

Guy Delamotte