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Accueil de « Kiss & Cry »

: Une chorégraphie polymorphe et plurivoque

Dans cet univers, on passe d’un monde à l’autre avec une facilité déconcertante : du salon à l’océan, de la piste étoilée au ciel de lit. On bascule de l’automne à l’été d’un claquement de doigts, d’un glissement de mains. Celles de Michèle Anne De Mey et de Grégory Grosjean. De la même façon, le travail chorégraphique se joue des contraintes terrestres, défiant l’attraction et la pesanteur des hommes. Ce monde du « tout petit » octroie aux danseurs une infinité de « licences anatomiques». Certes, il génère d’autres difficultés, le panel des mouvements du poignet étant limité, mais il permet dans le même temps une nouvelle écriture chorégraphique. Michèle Anne De Mey et Grégory Grosjean s’y affranchissent de manière décomplexée des codes de la danse contemporaine. Jusqu’à tendre vers la pantomime en une évocation du langage des signes : une chorégraphie à la fois abstraite et littéralement génératrice de sens (ou signifiante).


Si ces mains qu’on observe évoluer, tantôt à la lumière de la lune, tantôt sous les feux de la rampe se font souvent personnages à part entière à la fonction d’identifiants anthropomorphiques, elles se révèlent par moment n’être rien d’autre que ce qu’elles sont : les extrémités organiques des démiurges qui les animent. Des êtres bel et bien incarnés, en proie aux identiques questions et tourments, soumis eux aussi à la confusion des sentiments. Leurs mains se font alors véhicules de la sensualité ; se cherchant, s’effleurant, s’entrelaçant. Mêlant leurs carnations. Mises à nu, totalement exposées, engagées, à la différence des corps qui demeureront fantômes, non révélés. Ces danseurs singuliers s’offrent à voir dans la nudité la plus totale, sans artifices et sans fard. La main se fait ici métonymie d’un corps, de plus en plus rarement dévoilé à la scène.


Rêve collectif, parabole plurielle et fable chorale Kiss & Cry est tout cela à la fois car ce qui fonde avant tout ce spectacle est son caractère polyphonique : polyphonie des champs artistiques narrant en parallèle (danse, cinéma, théâtre d’objet, écriture, mise en scène,…), polyphonie des univers s’étayant sans cesse, polyphonie des sensibilités se répondant en écho et se passant le relais dans cette recherche du souvenir et de l’origine. Le bonheur du dialogue dans la création est palpable dans cette pièce collective où la préoccupation personnelle le cède au projet de groupe pour engendrer une oeuvre chorale s’abreuvant aux sources de l’intime de chacun.

Ivo Ghizzardi

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