Sur le plateau, la maquette d’une maison, déposée sur une table. La maison et le chemin qui la relie à la gare. Louis, silencieux et solitaire, la surplombe. Quatre chaises dans l’espace scénique, pour les autres acteurs. Et les dialogues seulement. Les monologues et le récit. La nouvelle qui ne se dit jamais.

Au début du spectacle, Louis se présente au-dessus de cette maquette et comme narrateur théâtral, découvre l’intérieur de cette maison de poupée pour mieux nous raconter. Il situe chaque personnage dans le lieu pour dire et nous transmettre.

Comme sur le plateau d’un jeu d’échecs – peut-être même ces personnages sont-ils représentés par des pièces d’échecs ? – chaque déplacement de l’un d’eux fragilise la position d’un autre, c’est-à-dire la position psychique d’un autre membre de la famille. Juste dire et dire juste. C’est ce sur quoi nous nous attarderons. La mise en scène épurée et sans coulisses cherchera, comme souvent dans mon travail, à mettre en valeur le texte et son essence. Comment les personnages se racontent. Quels sont les mots choisis, repris, remplacés au fur et à mesure de la pièce pour arriver à se dire, au plus juste. Les acteurs sont là et (se) formulent, au présent. Sans préméditer les états émotionnels vers lesquels ils peuvent se diriger chaque jour, presque malgré eux. La matière littéraire et théâtrale est de nouveau expérimentée à chaque représentation pour mieux en écouter ensemble la résonance.

La simplicité de la mise en scène sera suggérée par des placements, des rapports de force créés dans une géographie de l’espace, autour de cette maquette. Quel membre de la famille prend le pouvoir ou laisse la place, arrive à (se) dire de manière juste ou au contraire ne peut que se taire et écouter. La mise en scène sera précise et discrète, s’effacera pour mieux laisser la place au texte et à sa puissance. Pour mieux entendre le dit et le non-dit.

Cela fait très longtemps que monter Juste la fin du monde est pour moi comme une évidence. Pour son écriture, pour son universalité, pour ce que cette matière puise et propose à chacun d’entre nous. Mais je n’étais pas prêt, ce n’était pas le moment. Cette saison, après avoir exploré de nombreux univers classiques et contemporains différents, le texte de Jean-Luc Lagarce me semble nécessaire. C’est ce que je veux raconter aujourd’hui. La création de cette pièce suivra celle de Beginning l’an passé, où les deux personnages ont cette recherche similaire de communication juste, de sincérité. Cette question d’une si forte actualité.

La pièce est de plus au programme du baccalauréat en 2021-2022. Avec l’aide de professeurs de langue, Le Théâtre du Héron mettra en place des ateliers autour du texte de Jean-Luc Lagarce, son écriture, sa puissance littéraire. La compagnie proposera un parcours pédagogique en lien avec les directives d’études et les séquences proposées par les enseignants. Cette démarche de transmission culturelle est essentielle et fait partie des fondements de notre association : le théâtre comme lieu d’expression et lieu de partage.

Gaspard Legendre