theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Jojo le récidiviste »

Jojo le récidiviste

+ d'infos sur le texte de Joseph Danan

: La tête à claques

Enfant, toujours je me demandais si vraiment c'était bien ma joue gauche qui désirait recevoir de plein fouet la paume de la main de ma mère, ou si ce n'était pas plutôt la paume droite de sa main qui était irrésistiblement attirée par ma joue. La réponse se trouvant dans la gifle, je la recherchais au quotidien et j'avais plus d'une corde à mon arc pour la trouver, mais une fois la gifle reçue la question ne me semblait pas pour autant résolue. Et quand bien même la réponse prenait parfois la forme fulgurante d'un aller-retour, je n'arrivais pas plus à savoir qui, de la joue ou de la main, désirait le plus l'autre. Je n'étais toutefois pas sans remarquer qu'une fois la gifle arrivée à son port, les deux joues de ma mère s'enflammaient contre une seule pour moi et je sortais donc incontestablement vainqueur de l'épreuve, ce qui bien sûr ne pouvait que m'encourager à la récidive. Je savais y faire, m'y prenant au fil des ans de mieux en mieux pour que ça tombe, et devins ainsi un bêtisier à moi tout seul. D'où sans doute cette ritournelle maternelle de mon enfance : qu'ai-je donc fait au ciel pour mériter un fils pareil ?, question restée elle aussi sans réponse, le ciel ayant mieux à faire qu'à arbitrer nos jeux dangereux. Devenu grand, mais au prix de plusieurs décennies et d'un grand nombre de cheveux blancs, je suis aujourd'hui à peu près convaincu que ma mère et moi avions trouvé par ce biais-là le sentier interdit de notre je-t'aime journalier.


Sous réserve toutefois que cette histoire soit validée par la génitrice, on peut dès lors comprendre pourquoi la lecture de Jojo le récidiviste, cette pièce intempestive qui a pour héros une splendide tête à claques, m'ait réjoui au point même je crois de penser, comme quoi je ne me refuse rien, que Joseph Danan l'avait écrite tout exprès pour moi. Et puis, oui, il me faut l'avouer aussi, la lecture de cette pièce coïncidait avec l'intrusion du mot récidiviste dans le vocabulaire de la sphère sociale, intrusion non dénuée d'arrière-pensées, la plus cachée finissant même par apparaître au grand jour sous la forme pour le moins inattendue de la nécessité de débusquer et chasser le délinquant dès ses toutes premières années, disons, en bref, dès l'école primaire. Je compris alors combien j'avais eu chaud, comme on dit, en mon temps.
C'est que, des bêtises, on en dit certes souvent, cela échappe, et parfois au grand jour et souvent impunément, preuve en est la fin du paragraphe précédent. On en fait aussi, et dès lors la claque est une simple question de désir, lequel peut se graduer de 1 à 9 sur l'échelle de Richter selon l'intensité de la marque des cinq doigts sur la joue. Reste que personne n'est obligé d'en écrire, des bêtises, et il peut même être périlleux de le faire, c'est pourquoi je voudrais remercier Joseph Danan d'avoir eu ce courage et cette audace théâtrale en portant, aux côtés de Delphine Lamand, son si intrépide et burlesque texte sur la scène.

Joël Jouanneau

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.