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Jocaste Reine

+ d'infos sur le texte de Nancy Huston
mise en scène Gisèle Sallin

: Jocaste, reine d'abord

Entretien avec Nancy Huston

Propos recueillis par Eva Cousido


EC : Nancy Huston, quand Gisèle Sallin vous a demandé de faire parler Jocaste, vous a-t-il semblé évident de rompre ce silence ?


NH : Au début, j’ai hésité. Parce que je trouvais ce thème trop « hustonien » et que je ne veux pas être classée « écrivain monothème ». Mes oeuvres parlent énormément de la maternité et de ses ambivalences. Mais après avoir relu les différentes versions du mythe, anciennes et contemporaines, ce silence m’a scandalisée. Sophocle en fait pourtant un vrai personnage, avec un caractère intense. Ce n’est pas simplement une belle femme qu’on déplace sur l’échiquier du pouvoir. Elle existe fortement, mais peu. Et chez lui encore, ce qui m’a fait beaucoup réfléchir, c’est qu’il laisse clairement entendre, dans les dernières répliques, que Jocaste sait qui est OEdipe. J’en ai conclu qu’il y a deux espèces de vérité. Celle de Jocaste et celle d’OEdipe, celle des hommes et celle des femmes. Les premiers sont obsédés par les notions de lignées et les symboles ; les secondes sont dans l’immédiat, le concret, elles sont dans l’échange. A partir de là, je me suis sentie capable d’aborder ce thème.


Mais, en quelque sorte, vous avez atomisé le mythe d’OEdipe ?


NH Jocaste Reine est un heurt – un heurt très violent, une explosion – entre ces deux approches de la vérité. Si le mythe d’OEdipe est un des récits fondamentaux de notre civilisation, c’est surtout Freud qui s’en est emparé pour en faire un des dogmes de la psychanalyse. Et je suis de moins en moins convaincue par la justesse de son interprétation.


C'est vrai que c’est un texte anti-dogmatique. Mais votre Jocaste n’est-elle pas un peu idéale ?


Oui et non. Il faut qu’elle soit étonnante, il faut qu’on soit étonné par sa force, mais elle a un grain !


Un grain ?


Elle prononce une phrase qui révèle sans doute la vérité de cette histoire : si elle a épousé son fils, c’est parce qu’OEdipe avait davantage le droit d’être sur le trône qu’elle ou Créon. En l’épousant, elle lui rend le trône de Thèbes. C’est ce calcul-là qui est un peu fou. D’où le titre Jocaste Reine : Jocaste est d’abord reine, elle mène une stratégie politique. Son délire sur la maternité est aussi fou. Elle est prête à accepter la situation qu’elle vit avec son fils. Mais si elle l’accepte, c’est la fin de la grammaire, la fin du langage. Cette pièce ne rejette pas les tabous, je ne conseille à aucune mère de coucher avec son fils ! On a besoin d’un certain ordre… même si ce n’est pas nécessairement l’ordre actuel. J’aimerais que la pièce touche autant les hommes que les femmes.

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